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Hier eine chronologische Übersicht der Beiträge:
- Die burgundische Pforte und der Marsch des LJR 81 nach Altkirch, 1914
- Der Isteiner Klotz - Feste Istein
- Wie es begann: Sundgau, August 1914
- Die ersten Artillerieschüsse im ersten Weltkrieg: Altkirch, 7. August 1914
- Grenzschutz - Das Infanterie Regiment 142 bei Niedersulzbach (Soppe le Bas), 5. - 8. August 1914
- Hauptmann Walter Ziemssen und die Einnahme von Rixheim, 9. August 1914
- Die erste Schlacht bei Mülhausen, 9. und 10. August 1914
- Die erste Schlacht bei Mülhausen - aus einem Kriegstagebuch, 9. und 10. August 1914
L'Entonnoir de mine - Traduction de J. Hueber, Ammertzwiller. Un grand merci à lui !!
A l’époque, la ligne de front courrait le long de l’actuelle D 103 jusqu’à l’orée ouest du village. L'ouvrage avancé Sautter (du nom d’un officier grièvement bléssé» s’ infiltrait jusqu’à environ 60m avant les premières lignes françaises. Les Allemands y creusèrent une galerie de mine en direction de la position française et en bourrairent sa chambre de plusieurs quintaux d’explosifs.
Le 11 juillet 1915 cette chambre minée fut mise à feu, suivi d’un assaut instantané. Cette explosion creusa un cratère d’environ 50m. De diamètre et d’une profondeur de16m. Ce n’est qu’au petit matin que l’on dut constater que cet entonnoir ne se situait pas « DANS » la position française mais à 20m. en-deçà.
Aujourd’hui, cet entonnoir rempli d’eau agrémente une propriété privée, la route qui la longe se nomme « rue du 11 Juillet », et une stèle, en l’objet d’une mine à ailettes, garde l’entée à ce petit étang.
Il existe des notes manuscrites concernant cette entreprise avortée, que nous allons détailler ci-après.
Tout d’abord le rapport du lieutenant Killian, commandant la 312ème compagnie de « Minenwerfer » ( arme nouvelle ,mortier lourd permettant un tir elliptique). Extraits de son ouvrage « Totentanz aùf dem Hartmannsweiler Kopf » (« Danse macabre sur le Veil Armand »):
« …Il existe un projet près d’Ammertzwiller .En fait, le français s’est très rapproché, gagnant du terrain en sortant de la forêt de Gildwiller, direction Ammertzwiller, et construit en face de nos positions de solides et désagréables postes avancés. Il existe une velléité de supprimer ces solides postes avancés bordant la bifurcation Burnhaupt le Bas – Ammertzwiller – Gildwiller car on pense qu’il s’agit de l’ouvrage isolé d’une tête de pont .Je n’ai jamais compris qu’on ait pu porter crédit à une telle supposition.
« L’auteur de la magouille du plan conduisant à cette entreprise fatale près d’Ammertzwiller ne m’est pas connu.
« Un très important blockhaus bétonné en face de nos lignes doit être détruit. La mise en œuvre de cette opération est confiée au « Rekrutendepot » (dépôt de conscrits) à Mulhouse, sous le commandement du capitaine Hegelmeier. Le capitaine de génie Stauffenberg est chargé, en partant de la toute première tranchée de nos lignes , face à Ammertzwiller, de creuser une galerie de mine jusque sous la première position française abritant le retranchement bétonné, et faire sauter ce bidule à une heure définie. Suite à quoi, les jeunes conscrits du Rekrutendepot doivent lancer un assaut. Si l’attaque est couronnée de succès, les premières tranchées et ouvrages fortifiés français devront intégrer nos lignes afin d‘avoir la prédominance du contrôle de la forêt de Gildwiller.
Nous établissons notre position de mortiers sur le terrain accidenté. Au cours des jours suivants, les deux affûts leur étant destinés sont construits. Le 10.7.1915 les deux M.M.W. (mortiers moyens) sont amenés à poste et apprêtés à faire feu.
« Depuis longtemps déjà les sapeurs de Stauffenberg ont commencé avec beaucoup de peine, et de manière aussi silencieuse que possible, à creuser une profonde galerie de mine en direction de la casemate principale française. L’extrémité de la sape cependant n’avait pas encore atteint les soubassements de la toute première ligne française, d’après les calculs de Stauffenberg. La 51ème brigade, impatiente, fait pression pour une exécution immédiate de l’opération et décide aussitôt que l’attaque sera déclenchée le 11.7.
« A plusieurs reprises je m’entretiens avec le capitaine Stauffenberg ; nous sommes conscients tous les deux que la date d’exécution est prématurée, compte tenu que le creusage de la mine n’a pas encore atteint la profondeur voulue. D’après ses calculs, l’entonnoir estimé produit par l’explosion ne fera qu’ébranler légèrement la toute première tranchée française comprenant le bunker en béton et les chicanes, mais ne fera pas sauter l’ensemble de la structure. Stauffenberg transmet cela avec une insistante mise en garde à la brigade, mais ces Messieurs « là haut » ne peuvent ostensiblement pas attendre.
« L’objection du capitaine Stauffenberg est ignorée et l’ordre de chargement du fourneau est donné, car on veut procéder au tir en profitant du crépuscule, à 21heures. Le début des tirs d’artillerie ainsi que des mortiers est fixé de ce fait à 19h30 du soir, le jour de l’assaut.
«La section d’assaut est amenée à l’avant. Les jeunes recrues se tiennent partiellement dans le village d’Ammertzwiller, mais aussi déjà en partie dans la position de réserve (en deuxième ligne) située environ à 60 mètres en arrière de la première ligne. Ce n’est qu’au dernier moment que les sections d’assaut seront amenées en première ligne pour passer immédiatement à l’attaque, après bombardements et mise à feu de la sape minée.
« Mon poste d’observation est situé en toute première ligne, directement en face des fortifications ennemies. J’ai placé là un aspirant-officier très efficace accompagné d’un téléphoniste. En cas nécessité, je peux aussi personnellement observer la pertinence de nos tirs depuis la position d’un de nos mortiers. Il est évident que nous attendons avec grande impatience et une extrême curiosité le grand évènement, en l’espèce, l’explosion de la sape minée. Le soir précédent le jour de l’attaque, je procède brièvement à un réglage de tir des mortiers, puis règne le silence.
Le jour de l’attaque :
« En fin d’après-midi je me rends encore rapidement à mon poste d’observation. Tout semble parfaitement en ordre. Puis je me glisse le long de la tranchée afin de mémoriser encore une fois nos différents objectifs vus sous d’autres angles. De retour à mon poste, qui se trouve en légère surélévation. Une terrible surprise : le jeune aspirant-officier git, mort, dans un coin, replié sur lui-même, aspergé de sang – balle à la tête. Il a du être imprudent.
« Je reste donc personnellement en observation et ouvre le feu à 19h30 avec mes deux mortiers. A partir de 19h50 intensification des tirs communément avec toute l’artillerie. Des batteries françaises postées près de Dannemarie répondent intensément. Tout se déroule conformément à nos plans. Le feu se déplace comme prévu le long des premières positions jusqu’à ce que l’attaque soit étendue en profondeur.
« Ma ligne téléphonique est détruite, c’est pourquoi je retourne rapidement rejoindre la position de mes deux mortiers afin de pouvoir diriger les tirs de cet endroit. Un boyau mène au travers de la position de réserve dans laquelle se pressent, en attente, les hommes notre formation d’assaut. Je viens de passer l’entrée débouchant dans la deuxième ligne. Je suis pris d’un recul d’effroi à la vision d’un chaos de corps humains en lambeaux éparpillés alentour.
« Un impact direct, probablement dû à un tir trop court de la part de nos propres mortiers de 21cm, à l’origine de cet atroce désastre. Les jeunes recrues se tiennent dans les tranchées contemplant avec des mines hagardes les dépouilles de leurs camarades. Immédiatement j’ordonne aux sous-officiers de recouvrir les corps et renvoie les jeunes soldats dans les galeries et abris.
« Sain et sauf, j’atteins le poste d’observation près de la position des mortiers, et colle mes yeux au périscope. Nous savons bien entendu qu’à 21heures précises, à la lueur du crépuscule, le fourneau de la mine, soit plusieurs quintaux de dynamite, doit être mis à feu. Qui ne serait pas curieux ! Tout juste avant 21heures le dernier coup de feu retentit. Ensuite il m’est impossibles de retenir mes hommes, ils se précipitent vers les remblais de terre au dessus de notre position de MMW et scrutent l’autre coté. A la seconde près, dans un fracas monstrueux propageant une détonation sourde suivie d’un gigantesque séisme, une explosion cataclysmique soulève la surface du sol de nos positions. Une masse géante haute de 60 à 100 mètres tournoie dans l’air et retombe en une pluie de mottes de terre, blocs de ciment et pierres. La poussière épaisse se dissipe. Nous voyons nettement que la première ligne française est partiellement arrachée, partiellement enfouie, la longue casemate en béton penche sur le coté. Aussi notre première tranchée est partiellement enfouie sous les retombées des débris, sans pour autant provoquer une situation désastreuse. Je donne immédiatement l’ordre d’allonger le tir sur l’orée de la forêt de Gidlwiller de façon à venir en soutien aux tirs de barrage de notre artillerie.
« L’assaut est déclenché. La première vague délaisse les tranchées et se fraye un chemin au travers des cratères jusqu’aux premières positions françaises. Les français semblent avoir été pris au dépourvu. A la pâle lumière des rayons de lune, nos hommes s’emparent de la totalité des systèmes de tranchées françaises sur une longueur de 400mètres et s’enfoncent loin devant.
Entretemps, nos sapeurs travaillent au creusement d’un boyau qui doit relier nos avant postes à l’entonnoir de l’explosion. La lèvre supérieure de l’entonnoir est préparée pour servir de défense à une contre- offensive.
« Jusque là, l’attaque s’est déroulée comme prévue. Viennent les mauvaises nouvelles : seule la 1ère compagnie du Rekrutendépot a atteint son objectif, la 2ème et 3ème compagnie rencontrent des difficultés. La 4ème compagnie est rapidement appelée en renfort aux positions avancées mais est prise, sur son flanc, sous un feu nourri de mitrailleuses au départ du Lerchenberg et subit de lourdes pertes. Les avantages de cette attaque nocturne se réduisent comme peau de chagrin. Le Français s’est rendu compte de l’enjeu et se défend avec acharnement. Il essai avec vigueur de regagner ses première et deuxième lignes perdues en contre-attaquant. Nos jeunes recrues ont pénétrés trop profondément les lignes françaises et d’une manière trop dispersée, les flancs sont dégarnis. Ils sont trop inexpérimentés. Maintenant ils sont pris en tenaille. Il y a de lourdes pertes. Le lieutenant Bader originaire de Fribourg, un sympathique et très estimé camarade, s’écroule, mortellement blessé ; et il n’est pas le seul. Beaucoup sont tombés au feu durant cette nuit.
« On s’est trompé, l’objectif de notre attaque n’est pas celui d’une position française fortifiée presqu’isolée, mais cette position n’est que le fer de lance d’un système articulé de tranchées fermement établies.
« A minuit, l’artillerie française intensifie d’une façon anormale ses tirs. L’ennemi a rapatrié de nouvelles batteries, la situation à l’avant devient dangereuse, les pertes deviennent de plus en plus sérieuses. De mauvaise grâce, le commandant du secteur décide d’évacuer les positions françaises, après avoir rapatrié les blessés et les morts, non sans avoir fait sauter tous les abris,
« En plein mouvement de retraite qui se déroule dans une certaine cohue au travers des tranchées, une contre offensive française est déclenchée. Elle est si soudaine que nos positions sont culbutées et nous perdons par-dessus le marché le gigantesque entonnoir.
« C’est ainsi que se termine cette opération couronnée par un douloureux échec. Chaque homme se demande, plein de dépit : était-ce bien utile ? D’ âpres invectives fusent.
« Le 12-7 pas un coup de feu. Un total épuisement et un grand silence.
« Suite à cette lamentable entreprise, un de nos mortiers est gardé à poste à Ammertzwiller en prévision d'une attaque.
Avec l’autre, nous accomplissons des interventions. Il y a un grand nombre d’opérations dans le secteur de la ligne de front à dédier à la 7è division d’infanterie territoriale, à savoir près du Pont d’Aspach, la hauteur mal famée 322 de la route qui mène de la vallée de Masevaux à Cernay, Les bombardements sont effectués chaque fois contre de gênantes fortifications en rase campagne. Un point d’appui près de Balschwiller est détruit. Également près d’Ammertzwiller il y a des tirs quotidiens, nous y rencontrons de grosses difficultés car nos positions sont noyées par l’eau sortant de terre. »
Voilà le rapport du lieutenant Killian. Concernant le nombre de tués, il ne mentionne aucun chiffre précis, il rapporte seulement « beaucoup »
Dans l’histoire du régiment d’infanterie territoriale 123, nous pouvons lire que, sur ordre de son Exellence von Wechter, commandant la 7ème division d’infanterie territoriale, le bataillon Hegelmaier a été déplacé du « Feldrekrutendepot » (dépôt des conscrits) à Mulhouse, et mis à la disposition de la 51ème brigade d’infanterie territoriale en vue d’une opération. L’état major de cette brigade décida en fin de compte d’impliquer ce bataillon de jeunes recrues dans cette attaque. Même l’auteur de cette histoire du régiment fait part, dans son ouvrage, de son trouble quant à la pertinence de cette entreprise.
A part cela, il est évoqué ici que l’idée d’utiliser ce boyau, destiné originellement à l’écoute, comme vecteur d’attaque en l’espèce d’une galerie de mine devant être prolongée jusque sous l’ouvrage ennemi et d’en faire sauter le fourneau à l’explosif, émane d’un capitaine de sapeurs Stauffert. Apparait là le nom de « Stauffert », chez Killian il est fait mention d’un « Stauffenberg » Inexactitude ? confusion ? Il semble bien qu’il s’agisse du même capitaine.
Venons- en au rapport extrait de l’histoire du régiment du L.I.R. 123 (123ème régiment d’infanterie territoriale) :
…Dans l’optique de l’attaque, depuis quelques semaines déjà, des éléments du Génie badois étaient actifs derrière la position avancée Sautter pour l’aménagement de positions solidement enterrées, destinées à une pièce lourde et une autre moyenne de mortiers, à deux mortiers de terre, ainsi qu’un emplacement enterré destiné à un lanceur de mines moyen dans la position des Grenadiers . De plus, la brigade avait fait creuser par des objecteurs de conscience incorporés, un boyau de 600 mètre de long menant depuis le milieu de la position de la Compagnie Lerchenberg jusqu’au boyau reliant Bernwiller à Burnhaupt le Bas.
A 7h30 précises du soir, l’artillerie et les mortiers allemands sous le commandement du capitaine von Röneck ouvrirent le feu. Le puissant écho renvoyait au travers de la forêt de Gildwiller le vacarme des explosions dans les tranchées ennemies des mines envoyées par les mortiers lourds et moyens ainsi que les grenades des mortiers de 21cm. L’ennemi essaya de répondre tout d’abord timidement. C’est à ce moment, circonstance épouvantable, qu’un tir trop court de grenade de 21cm atteignit l’église d’Ammertzwiller et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, une deuxième grenade explosa au milieu de la colonne d’assaut de la 3ème Rekrutenkompanie en tuant près de 12 hommes et blessant 60 autres. Une malencontreuse circonstance pour l’opération que ce tir trop serré, qui d’après les données des artilleurs, pouvait être la cause d’un défaut d’assemblage ou d’un non respect du poids nominal de la grenade.
À 9h05 du soir, il est procédé à la mise à feu du fourneau bourré de plusieurs quintaux d’explosifs dont l’explosion, dans un monstrueux vacarme semblable à celui d’ un tremblement de terre, éjecta sur plusieurs centaines de mètres à la ronde des mottes de terre et de cailloux. Immédiatement après l’explosion, les compagnies du Rekrutenbatallion sous les ordres du capitaine Hegelmaier passent à l’attaque de la position ennemie, baïonnette au canon, sur trois colonnes guidées par les patrouilles du L.I.R. Le capitaine Lemppenau réussit avec la première compagnie de recrues à prendre la tranchée ennemie située au nord du croisement de routes, à faire des prisonniers et à atteindre son objectif. Beaucoup plus lentement la 3ème compagnie de recrues avance ainsi que la 2ème qui lui sera adjointe en renfort ; en face d’eux, la garnison, qui n’avait pas souffert du feu de notre artillerie, se défend par un feu nourri. Finalement eux aussi parviennent au succès en sortant du nouvel entonnoir, baïonnette au canon, pour enlever la tranchée.
Mais les nouvelles concernant l’aile gauche prennent une tournure inquiétante, la 4ème compagnie de recrues, avant qu’elle n’ait réussi à franchir le réseau de barbelés, essuya un tir très nourri de mitrailleuses en provenance du flanc gauche et subit de lourdes pertes. Elle essaie par tous les moyens de se rapprocher de l’obstacle ennemi, mais en vain. Apparemment l’ennemi a découvert nos boyaux pourtant soigneusement camouflés.
Comme à cet endroit l’assaut nocturne piétine, le commandant Gutermann en sa qualité de commandant de secteur, envoie le lieutenant Kemmler à la tête du 4ème bataillon du 123ème régiment d’infanterie territoriale en renfort. Mais, le temps d’arriver sur les lieux, il est trop tard. La résistance des tirs de mitrailleuses ennemies sur l’aile gauche et sur le flanc n’était plus à enrayer. L’hypothèse du commandement selon laquelle la position française n’avait aucun lien avec les tranchées ennemies au nord-ouest de Balschwiller, s’avérait être une erreur.
Entretemps, les colonnes d’assaut du Rekrutenbataillon qui avaient atteint leur objectif en ayant enlevé la première tranchée, s’empara de la deuxième tranchée ennemie sur une longueur de 400 mètres au sud du croisement routier, et s’activaient frénétiquement à l’élaboration d’une nouvelle ligne de défense dans les boyaux pris à l’ennemi, ainsi que de travaux d’obturation sur l’avant et les cotés. Ces travaux furent sécurisés par deux mitrailleuses.
En même temps, le capitaine Stauffenberg essaya avec l’aide d’hommes du Génie et des équipes du 12/L 123 de creuser une tranchée reliant la position avancée Sautter à l’entonnoir et aux tranchées françaises gagnées. Mais la terre était dure comme fer et les travaux avançaient lentement.
Mais entretemps, - il était minuit – les Français avaient en toute hâte amené des renforts en batteries d’artillerie. Commença alors un terrible bombardement tous azimuts, bien ciblé sur les tranchées perdues, avec un potentiel d’alimentation en munitions dont seul l’ennemi pouvait disposer en ces jours. Il ne pouvait plus être question de consolidation des positions. L’intensité des tirs était trop forte et les pertes trop grandes.
Et puis, l’adversaire se prépara à la contre-attaque, en utilisant magistralement son avantage d’attaque par les flancs. Il n’était pas question d’atténuer le feu roulant des tirs de l’artillerie ennemie avec la nôtre, ne fût-ce que par le fait que notre réserve en munitions était limitée. Vint le jour ; garder la position devint impossible, au vu de l’évolution des évènements, principalement en raison du terrain défavorable, sans sacrifier toute la troupe. Le général de division Trützschler von Falkenstein décida d’évacuer la tranchée en ramenant les morts et les blessés, et après destruction des installations. La retraite nocturne sous le feu ennemi prit une tournure particulièrement périlleuse. Les formations des compagnies de recrues qui ne se connaissaient pas sur le terrain se disloquaient, engendrant une certaine pagaille. Et le plus grave dans cette situation se trouvait dans le fait que les Français lançaient leur contre-offensive. C’est ainsi que, malgré la résistance héroïque opposée par des groupes isolés, dans la pagaille du combat nocturne, l’entonnoir de mine fut perdu. L’adversaire saisit avec une grande assurance son avantage et s’y établit fermement.
C’est ainsi que s’acheva avec un revers, un assaut présentant des débuts prometteurs, il aurait pu être évité. Après que le jour se fut levé sur le champ de bataille rouge de sang, il s’avéra que les hommes du Génie s’étaient totalement trompés dans la position de l’emplacement de leur fourneau de mine. Au lieu d’avoir détruit la position ennemie au niveau du croisement de routes, l’entonnoir d’environ 12 mètres de diamètre se situait à 20 mètres environ en avant des positions françaises, et non à l’intérieur ; au lieu de porter préjudice à l’ennemi, on lui offrit un moyen de renforcer sa défense. Compte tenu de son emplacement à l’extérieur de la tranchée ennemie, il devenait un bastion tenant lieu de verrou difficile à atteindre par notre artillerie.
Les pertes au cours de cette attaque nocturne furent lourdes : plus de 25 morts, parmi lesquelles l’observateur d’artillerie le lieutenant Bader du F.A.R. N° 1 (régiment territorial d’artillerie) et plus de 150 blessés furent dénombrés, en majorité dans les rangs du bataillon de recrues. Sont encore à ajouter plusieurs disparus. Que représentent en regard de cela, les huit français faits prisonnier, le mortier pris à l’ennemi et le reste de l’engin enlevé ? Le nombre des victimes ne pouvaient en aucune façon justifier le bilan de l’opération.
Le secteur d’Ammertzwiller avait à souffrir profondément sous les tirs constants ennemis, essentiellement autour du village et sur le Lerchenberg. Des boyaux et des tranchées étaient bombardés, les réseaux de barbelés fortement endommagés, des souterrains détruits. Le capitaine Falke réussit en toute dernière extrémité à s’échapper de son poste de commandement qui fut taillé en pièces par des grenades ennemies. La situation était devenue bien plus grave qu’avant.
Du fait que l’ennemi s’était fortement retranché dans l’entonnoir, il devint impératif de creuser, coté nord de l’entonnoir, une tranchée de flanc. L’opération fut achevée en une nuit, la tranchée fut baptisée « Feste Otto ».
Plus tard, la I./L.123 creusa derrière la dénommée Strasenbarrikade Ammerzweiler ( barricade routière d’Ammertzwiller ), une deuxième ligne de défense qui lissait la forme anguleuse en une courbe aplanie, de façon à pouvoir disposer de trois lignes de défense progressives à l’endroit menacé, et déplaça la position à l’ouest d’Ammertzwiller, en bordure du lieu dénommé « Finkengraben » et plus tard « Kohlergraben » en souvenir des adjudants-chefs Finkh et Kohler, de façon à devenir effectivement la deuxième ligne.
De leur coté, les soldats du Génie commencèrent le creusement de trois galeries de mines dans l’intention de contrecarrer les velléités de l’adversaire à saper, ce à quoi l’invitait, bien sûr, l’entonnoir qu’il avait conquis ! Mais également l’ennemi creusait énergiquement dans ses lignes.
Des deux cotés, on s’évertua à entraver l’avancement des travaux par des échanges de tirs. Les mortiers lourds et moyens restèrent presque continuellement en action. Ainsi débutaient les durs combats quotidiens aux mortiers.
A partir de ce moment, Ammertzwiller devint le chaudron de la sorcière (Hexenkessel) duquel s'échappaient des bouillonnements et chuintements continuels.
Le régiment essaya certes de déloger l’adversaire de ses positions et fit bombarder intensément le 28.7, sous les ordres du fougueux et expérimenté lieutenant Killian, à l’aide de mortiers moyens, la position avancée ennemie à Balschwiller, mais le Français ne se laissa pas désarçonner et « nous rendit quotidiennement la monnaie de sa pièce à Ammertzwiller. » Il dégagea sa tranchée détruite et renforça particulièrement ses positions le long du canal en face d’Enschingen au niveau des écluses 26 et 27.
Sans doute à titre de représailles à l’explosion du fourneau de mine, le Français prépara-t-il une attaque qui eut lieu le 15 août dans la descente de Spechbach, au nord d’Ammertzwiller.
Un autre rapport, rendu public par Louis Vogt le 21.04.1978, se réfère d’une part à l’ouvrage de Killian, d’autre part à un témoignage d’un témoin oculaire non identifié. Il écrit :
« Coté français, nous sommes en mesure d’opposer à ce rapport allemand la déposition d’un témoin oculaire français qui corrobore en tous points, comme le lecteur peut facilement le constater, les différentes phases évoquées : « En juillet 1915 la 18ème compagnie d’Infanterie Régionale 235 de Belfort occupa la ligne de front près du croisement des routes Balschwiller, Pont d’Aspach, Gildwiller, Ammertzwiller. Les éléments de L.I.R. 123 wurtembergeoise empêchèrent l’accès à cette dernière localité…
Le 11 juillet vers neuf heures du soir, une fantastique explosion de deux charges ébranla tout le secteur et creusa entre les lignes un entonnoir de plus de 40 mètres de diamètre.
Immédiatement, suivit l’attaque allemande au travers d’un nuage de tonnes de terre projetées en l’air par la déflagration.
Lorsque, vers 3 heures du matin, l’artillerie française reçut l’ordre d’intervention, du quartier général, alors stationné à Lachapelle, toutes les positions, y compris le fameux entonnoir, furent reprises et réoccupées. »
Vogt mentionne encore que, d’après un témoin oculaire d’Ammertzwiller, pas moins de deux tonnes de dynamite furent mises à feu.
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Nous avons eu le plaisir de faire la connaissance de l’ancien maire d’Ammertzwiller. Son père était témoin oculaire des évènements d’alors et en a transmis à son fils leur nature. Aussi a-t-il rassemblé une collection impressionnante de matériel de guerre qui fut complétée par son fils, au cours des années, par de nouvelles trouvailles.
Au cours du très intéressant échange de propos, nous avons pu noter les informations suivantes..."
• Les Français devinrent attentifs au creusement de la galerie de mine par les Allemands suite à des écoutes souterraines. Sois disant, les Français auraient fait exploser la mine.
• Le grand blockhaus français ne fut pas endommagé par l’explosion. Il contenait encore une énorme quantité de munitions.
• L’entonnoir avait un diamètre de près de 50 mètres et une profondeur de 16 mètres.
• Un jar tomba raide mort à Balschwiller suite à l’explosion
• Coté allemand, 200 soldats trouvèrent la mort.
• 50 ans après l’évènement, dans les années 1975 ou1976, deux commandants, l’un français et l’autre allemand, se rencontrèrent au bord de l’entonnoir de mine.
• Alors que l’entonnoir servait de dépôts d’ordures et devait être comblé, l’ancien maire à acheté la parcelle de terre. Il devait, pendant un an, toutes les fin de semaine, s’attacher à l’enlèvement des ordures pour conférer à l’entonnoir de mine sa valeur de monument commémoratif.
• Devant l’entonnoir, il a érigé une petite stèle commémorative faite de matériel de guerre. Elle est composée d’une coupole blindée, surmontée d’une mine à ailette. La coupole blindée provient d’un avant poste (poste d’observation) du secteur Sautter. Quelques impacts y sont visibles.
• Les habitants nomment l’endroit « Mina-Loch »
Le front du Sundgau – 1914-1918 – AMMERTZWILLER
« Ammertzwiller, localité abominablement détruite, à ce jour, sommet de la désolation destructrice à jamais offerte au regard, par les combats sans merci »
« Ammertzwiller même, se présentait comme une masse de terre d’argile visqueuse, impactée par la mitraille, avec des squelettes de maisons et des tas d’immondices épars, des trous humides en guise de taudis et des fossés ruisselants, engoncé dans une atmosphère oppressante, accablante de tous cotés ».
La portion de front entre Heidwiller et Burnhaupt-le-Bas était un endroit stratégique du front du Sundgau. Après que le front se fut peu à peu stabilisé en automne 1914 et ne subit plus que peu de changements, des travaux d’excavation furent entrepris avec énergie. Au cours des ans, des kilomètres de tranchées, de nombreuses galeries et abris souterrains virent le jour. De nos jours, peu sont encore visibles.
Les positions d’Ammertzwiller et alentour en 1916 sont illustrés par la carte. Les tranchées françaises sont marquées en rouge, celles des Allemands en bleu.
On peut bien reconnaitre sur le flanc ouest d’Ammertzwiller la partie saillante des lignes allemandes, le dénommé « Ouvrage avancé Sautter (Vorwerk Sautter) »
Le village se trouva totalement détruit à la fin de la guerre.
Dans la littérature qui y est consacrée, se trouvent encore beaucoup de comptes-rendu et descriptions relatifs aux évènements de l’époque. Nous aimerions en rappeler quelques uns dans les pages qui suivent. On doit cependant garder à l’esprit que ces textes sont en permanence teintés à la fois de subjectivité et de patriotisme.
Wirth HWK1 :
Le 24 septembre 1914, aux heures de midi, trois compagnies du L.I.R.40 (40è Landwehr Infanterie Regiment = régiment d’infanterie de défense territoriale) commencent à s’enterrer près d’Ammertzwiller. Des forces civiles y prêtent main forte. Tout juste une heure plus tard, les obus sifflent. Une batterie française à ouvert le feu depuis la forêt de Gildwiller. Soldats et travailleurs civils se rendent dans la tranchée. Une compagnie cantonnée plus bas vers Spechbach compte des pertes. Les tirs ne durent pas longtemps. Des grenades tirées par nos obusiers les réduisent au silence. Pour la première fois, les villages d’Ammertzwiller et de Bernwiller sont atteints par des obus, sans grands dégâts.
Le 4 octobre, des groupes français essaient en vain de s’emparer d’Ammertzwiller.
Le 2 décembre, un intense feu d’artillerie s’abat sur la portion entre Ammertzwiller et Bernwiller. Une brigade française s’élançant depuis la forêt de Gildwiller est repoussée. 400 morts jonchent les abords des tranchées allemandes. Il ne reste qu’un immense tas de ruines d’Ammertzwiller. Pas une maison, pas un arbre n’est debout. La magnifique église gothique a été détruite de fond en comble. Après la guerre, on trouva encore deux cloches en bon état parmi les ruines. Il y eut aussi des pertes sévères parmi les victimes civiles. Ainsi, près de Bernwiller, une grenade française explose au milieu d’un groupe d’une famille au travail et tue trois enfants.
Engagement de mortiers près d’Ammertzwiller, décembre 1914, Killian2
Le 6.12, Killian et son camarade Türk furent appelé depuis Feste Istein à Ammertzwiller, afin d’étudier les positions en vue d’un premier engagement de mortiers. Ils chevauchent, en passant par Mulhouse, jusqu’à Ammertzwiller. L’étude se révéla peu satisfaisante. Il s’avéra difficile de trouver une position satisfaisante, d’autant que le niveau de la nappe phréatique apparaissait élevé. Malgré tout, l’unité de MMW (Mittlere Minen Werfer = mortier moyen) fut déplacée vers Mulhouse, le 9.12.
Nous nous déplaçons par marche nocturne au travers de la forêt de la Hardt, et arrivons vers 6 heures du matin à la caserne des chasseurs à Mulhouse. Un intense grondement de canons nous parvient depuis Cernay. De temps en temps on aperçoit des prisonniers français marcher dans les rues de Mulhouse. Ils sont entièrement sales avec une mine blafarde. Il émane de ceux d’entre eux qui viennent de la cote 425 et de Steinbach, une vision d’épouvante. On pouvait croire qu’ils étaient barbouillés de sang coagulé. Les collines là-haut se composent de terre glaise rouge. Celui qui tombe dans la boue se couvre de terre couleur rouille.
Nous obtenons enfin l’ordre de notre premier engagement « le 25.12.1914, 20 heures, départ en direction d’Ammertzwiller ». Vers 4 heures du matin, nous atteignons notre objectif par une nuit noire. Notre mission est de détruire une gênante position ennemie établie à l’orée de la forêt de Gildwiller, qui menace nos positions près du Lerchenberg par ses tirs latéraux de mitrailleuses. Il est prévu d’ouvrir le feu, la nuit. On peut constater dans le village les immenses dégâts laissés par les combats des derniers jours. L’église à fortement encaissé. Elle n’est distante des premières lignes que de 500 mètres. Nous pouvons accéder au village au travers d’un étroit boyau de terre depuis notre position de MMW (mortiers moyens), située en contre-pente, très près de la première ligne.
Nos positions sont à présent établies. La colonne avec les pièces d’artillerie et les munitions pénètre dans le village vers 3 heures du matin. La lune est suffisamment claire pour nous permettre immédiatement de mettre en batterie nos mortiers. Pendant que je recherche une bonne position d’observation sur l’avant, laissant le téléphone, commence vers 11heures une bordée d’artillerie ennemie qui couvre d’obus nos tranchées et le village d’Ammertzwiller. Les tirs passent tout juste 2 à 3 mètres au dessus de nos têtes - on sent le déplacement d’air -pour exploser 50 mètres derrière nous dans les boyaux de liaison. Nous pouvons parfois observer du coté de Gommersdorf, les départs de feu d’artillerie lourde. À 3 heures de l’après-midi nous somme parés à faire feu et le signalons à la brigade. Nous espérons rester dissimulés, mais tout juste une demi-heure plus tard un vrombissement se fait entendre dans le ciel, suivi de l’apparition d’un biplan Wright français avec ses deux hélices et le poste de pilotage à ciel ouvert, qui nous survole et revient sans coup férir, malgré les tirs. Quelques moments plus tard, les tirs d’artillerie redoublèrent d’intensité.
L’après midi, je prends la direction du village en compagnie de 4 hommes, au travers de l’étroit boyau de communication pour y chercher une tôle ondulée destinée à notre emplacement de munitions. Les tirs d’artillerie deviennent éminemment plus nourris, ce qui nous oblige à traverser le village, d’abris en abris, et chaque fois attendre l’impact. Nous sommes tout juste au niveau de l’église quand un gros bahut traversa le ciel en provenance de Gommersdorf. On peut voir venir le projectile se mouvoir tranquillement dans les airs. D’un saut nous nous précipitons à plat ventre derrière le mur du cimetière. La grenade impacte à peine 20 mètres plus loin. Les fesses serrées, nous attendons tous l’explosion. Mais tout reste tranquille : une veine de pendu, c’était un « Blindgänger » (grenade non explosée) !
Notre objectif se trouve à environ 200 mètres de distance de nos tranchées ; une base d’appui avancée, avec des souterrains, nids de mitrailleuses, sapes et des réseaux de barbelés. Nos lanceurs moyens de grenades sont encore mis en batterie à la lumière du jour. Je me rends vers l’avant, en observation. Tout est tendu à l’extrême et dans l’attente.
A 9h45, le premier tir part dans la pénombre. Personne n’a vécu quelque chose de pareil, nous ne sommes habitué jusqu’à présent qu’à un claquement sec du départ. Seulement que maintenant commence le plus somptueux des feux d’artifice, car on peut suivre la trajectoire de la mine à la lueur du panache des fusées de retardement. Elle traverse le ciel nocturne telle une comète. Splendide – mais structurée d’une façon incompréhensible. Nous sommes pris d’une frayeur modérée, car cette magie pyrotechnique nocturne fait immédiatement découvrir chaque emplacement de mortier. Probablement que le haut comité des ingénieurs, en temps de paix, n’a essayé les mortiers qu’en plein jour.
De l’autre coté, une détonation assourdissante, des langues de feu, fumée et atmosphère à couper au couteau. Les éclats de la mine passent en miaulant au dessus de nos têtes. Toute la garnison de la tranchée est sur pied et se précipite malgré l’interdiction, sur les parapets pour contempler l’intéressant spectacle. Nous envoyons 20 coups sur la position française et saluons avec satisfaction chaque coup au but. Entretemps, une patrouille se prépare. Un sous-officier avec 12 hommes sautent par-dessus le parapet à la lueur lunaire, se précipitent après le dernier tir, à champ découvert en direction de la position au ras du sol. Je peux tout juste encore apercevoir aux jumelles les silhouettes de l’autre coté devant les barbelés, et ils disparaissent. L’artillerie française s’est entretemps sortie de sa stupeur et cherche à nous localiser. Nos hommes réapparaissent soudain, leurs pas crissent sous la terre légèrement gelée et reviennent l’un après l’autre. L’appui fortifié est détruit, l’ennemi à déserté le point d’appui, mais a regagné rapidement ses positions pour les regarnir de mitrailleuses. La patrouille revient sans perte.
Nous démontons immédiatement, les haubans sont affalés et la division VI des MMW retourne en chantant vers Mulhouse, dans la grisaille matinale.
Extraits de l’histoire du régiment du L.I.R. 1233, Mars 1915-octobre 1916.
Lorsque le régiment fut engagé ici le 5 mars 1915, son front courrait depuis Spechbach, au sud de Burnhaupt-le-Bas jusqu’au canal Rhin-Rhône. Il s’agissait ni plus ni moins de barrer le passage de la route menant de Belfort directement à Mulhouse, en passant par Balschwiller. Le premier bataillon fut dévolu à la section d’Ammertzwiller, l’état major de régiment cantonné à Bernwiller. La partie forestière des bois du Kauf et de Spechbach (Kaufholz, Spechbacher Holz), susceptible de conférer un abri à l’artillerie allemande, s’étendait trois à quatre kilomètres en arrière du front. La principale position française se trouvait sur la longue bande boisée de Diefmatten et Gildwiller (Buchwald et forêt de Gildwiller), qui d’une traite délimite le secteur dominant des collines de la vallée du Soultzbach d’avec celle de Spechbach. Leurs avant postes s’étaient avancés jusqu’au bord de la large voie qui mène, au sortir de la vallée de la Largue, de Balschwiller jusqu’à Burnhaupt-le-Bas et le-Haut. Balschwiller formait un bastion clé dans leur système de positions. De là, leur toute première ligne suivait la Largue s’écoulant par la large embouchure de sa vallée jusqu’à 1,5 km. à l’ouest de Heidwiller. Les hauteurs fortement boisées au sud de la Largue et à l’est des localités d’Eglingen, Hagenbach et Ballerdorf, procuraient aux Français un excellant abri naturel. Dans ces forêts étaient positionnées leurs batteries légères et lourdes, partout à des endroits favorables. Ils pouvaient également y amener leurs troupes et tout l’approvisionnement en munitions, engins et intendance, par Dannemarie, grâce à un train de marchandise direct au départ de la citadelle de Belfort. Dans le secteur autour d’Ammertzwiller les positions étaient extrêmement proches les unes des autres. La distance entre les tranchées était très ténue. Il n’y avait pas non plus ici une localité encore peu endommagée dont les maisons pouvaient offrir un peu de confort au retour des obligations de garde à l’avant poste. Ici rien que ruines et méchants tas d’immondices narguant le soldat de retour de son tour de garde.
Ici, on se battait à la grenade et au mortier ; ici, on se terrait comme la taupe dans la terre et cherchait abris dans les caves et les souterrains.
Le 10 mars 1915, les Français tirèrent pour la première fois des mines légères sur la barricade routière au sud d’Ammertzwiller. C’était un anodin début de ce qui devait devenir plus tard les engagements sans merci aux mines près d’Ammertzwiller. Les positions n’avaient de loin pas encore été consolidées dans leur continuité en ce printemps 1915. C’est ainsi que, sous l’autorité du commandant Graf, chef du Ier bataillon, fut entrepris l’ aménagement, sur le flanc droit des positions du Lerchenberg, de l’ouvrage avancé ‘’Stark’’ (‘’Vorwerk Stark’’), sur le flanc droit de la position au sud d’Ammertzwiller, de la position avancée, à venir,‘’Sautter’’ (Vorwerk ‘’Sautter’’) et sur le flanc gauche de la position de Balschwiller, de la position avancée ‘’Kieser’’ (Vorwerk ‘’Kieser’’). En même temps, on entreprit le creusement d’un boyau de communication entre Bernwiller et Ammertzwiller. Il est encore à noter que sous la barricade routière d’Ammertzwiller se trouvaient deux galeries d’écoute à moitié terminées, creusées par les pionniers de la brigade Marthy, apparemment dans l’objectif de contrecarrer une éventuelle action de sape par l’adversaire. Elles devaient encore plus tard gagner en signification.
Le 3ème bataillon se creusa un chemin d’accès abrité en provenance de Burnhaupt-le-Bas reliant plus tard un nouveau boyau à la sortie nord-ouest de Bernwiller.
L’intense activité de consolidation des positions ne resta pas méconnue de l’ennemi. Des tirs d’artillerie légère et lourde perturbaient constamment les travaux et commencèrent aussi à toucher les localités de Burnhaupt-le-Bas, Ammertzwiller, Enschingen et Bernwiller. Le 24 mars, le poste d’observation dans le moulin du bas (Niedermühle) près d’Enschingen était particulièrement pris à parti. Il fut fortement endommagé par des obus de gros calibres. Le sous-officier Geigenmüller en service d’observation réussit à localiser l’observateur d’artillerie ennemi. D’un coup assuré, il l’abattit de son arbre. Les tirs cessèrent.
Les 27 et 28.3, de fortes chutes de neige inopinées se produisirent, suivies de très près par la fonte et l’établissement d’un temps humide. Les suites furent catastrophiques. La terre glaise des fossés excavés cédait sous l’humidité, ce qui n’était pas étayé avec du bois s’écroulait. Tout le travail de trois semaines du régiment fut anéanti d’un coup. En plus, le niveau des eaux souterraines commençait à monter. Les fossés se transformaient partiellement en lacs, partiellement en étendue visqueuse de boue et de glue.
Ldw. F.A.R. 14 (1er régiment d’artillerie de campagne wurtembergeois)
Le 3 mai 1915, sur demande de notre infanterie, la 4ème batterie reçut la mission de détruire en tir tendu, les maisons de l’écluse 26 du canal du Rhône au Rhin, qui avaient été occupées par un important groupe de tirailleurs. Dans la nuit du 2 au 3 mai, un peloton de la batterie prit position entre les maisons d’Enschingen, et au soir du 3 mai, à la nuit tombante, ouvrit le feu par surprise. Avec 67 tirs bien ajustés, le peloton sous le commandement du lieutenant von Arand, tué malheureusement plus tard en tant que pilote, détruisit les immeubles occupés par l’ennemi. Les Français répliquèrent à cette attaque surprise par un feu nourri, qui endommagea l’affût d’un de nos deux obusiers.
La 6ème batterie fut engagée dans la nuit du 8 au 9 juillet au niveau de la section sud (abri central Galfingue) et prit position à la sortie nord-ouest d’Enschingen dans un bosquet (cote 38).La batterie l’avait fortement équipée avec soin et efficience très près des positions de notre infanterie, ce qui permettait un flanquement efficace de l’avant poste d’Ammertzwiller devant s’avérer payant lors des futurs nombreux et intenses bombardements ennemis.
Le soir du 11juillet, eut lieu une attaque du poste avancé français au sud-ouest d’Ammertzwiller par notre infanterie, qui s’avéra ne pas avoir atteint l’objectif espéré, car n’ayant pu être menée à terme du fait d’un feu nourri ennemi de flanc.
Dans l’optique de la préparation d’artillerie à l’assaut de l’artillerie ennemie, en dehors de l’engagement des batteries lourdes pour la préparation, la 2ème, 5ème et 6ème batterie y avaient concouru avec succès. Pour cette raison, le 10 juillet, la 2ème batterie fut fusionnée dans la position 33, au nord de Spechbach-le-Haut et resta à cet emplacement jusqu’à nouvel ordre.
Le 15 août fut un jour animé. Au cours de l’après midi, les Français commencèrent à pilonner à l’artillerie lourde nos positions faisant face au Lerchenberg et au Spechbachgrund, à quoi la 2ème batterie répliqua immédiatement par un feu nourri sur les positions ennemies. Alors que les tirs ennemis allèrent en s’intensifiant et qu’un assaut semblait se préparer, toutes les batteries furent approvisionnées grassement en munitions, le 2ème peloton de la 8ème batterie fut déplacé de son cantonnement vers la position du Kaufholz, toutes les batteries entre Ammertzwiller et Burnhaupt-le-Bas réglées pour repousser un assaut, et toute la défense vérifiée.
Alors que le silence fut revenu à 5 heures, un feu roulant s’abattit sur nos tranchées à 7heures du soir, en même temps l’adversaire mitraillait nos routes et nos abris centraux. Soudain, surgissent au dessus des fumés des premières tranchées, des fusées éclairantes rouges : l’adversaire attaque.
Nos batteries s’y attendaient ; immédiatement, un tir de barrage du plus intense et bien ajusté répliqua, obligeant l’ennemi qui avait donné l’assaut avec au moins deux bataillons, à rester terré et ne put entamer provisoirement nos lignes que sur une portion de notre tranchée. Lors de leur retrait , les Français emmenèrent malheureusement une jeune recrue volontaire de la 8ème batterie, téléphoniste dans la première tranchée qu’ils avaient investie, mais affichèrent leur courtoisie, quelques jours plus tard, en lançant par dessus la ligne de front un écrit spécifiant que le prisonnier n’était pas blessé et qu’il se portait bien, ce que ce dernier avait confirmé par écrit quelques temps après.
Les 4 et 5 octobre, la 2ème et 6ème batterie ouvrirent des tirs directs de destruction, couronnés de succès, contre les écluses 26 et 27 et un poste d’observation au sud d’Eglingen.
Le 21 octobre, la 2ème batterie exécuta la mission de canonner, à distance rapprochée, en tir direct, le poste avancé de la position ennemie du Lerchenberg face à Ammertzwiller, en concomitance avec nos mortiers. Un emplacement satisfaisant fut trouvé immédiatement derrière notre première ligne à l’est de la ceinture d’Ammertzwiller, deux pièces d’artillerie y furent amenées dans la nuit, avec une extrême prudence, et artistiquement recouverts de branchages, il en résulta que, le 21 octobre, des salves en tir direct, distants de seulement 200 mètres, surprirent totalement l’adversaire. L’effet fut un succès, les tranchées prises sous le feu n’étaient plus que désolation, et le violant contre-feu de la riposte des Français venait trop tard, car les servants des deux pièces d’artillerie avaient eu le temps, leur devoir accompli, de retourner dans les abris.
Le 24 juillet 1916, un coup de main fut entrepris par une patrouille sur le poste avancé de Balschwiller. Y contribuèrent, les 1ère, 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 8ème et 9ème batteries totalisant en tout 3.200 tirs, dont 3 pièces de la 2ème batterie étaient en position de feu à découvert. Le poste avancé de Balschwiller fut totalement détruit et 30 prisonniers furent faits.
Février 1917 : L’artillerie ennemie s’intensifia graduellement depuis le milieu du mois, le 5 du mois déjà, l’adversaire avait dirigé d’intenses tirs de destruction sur nos positions d’Aspach-le-Bas, près de Pont d’Aspach, en même temps que sur les positions du Lerchenberg et d’Ammertzwiller, avec environ 16.000 tirs d’artillerie et 5.000 mines.
307ème Compagnie de mortiers (Minenwerfer Kompanie 307)
Le 17 octobre 1915, une partie de la compagnie, équipée de mortiers lourds et moyens, fut transférée à Ammertzwiller sur des positions existantes, déjà utilisées plus tôt. Le 21 octobre, eut lieu près d’Ammertzwiller une attaque surprise impliquant les mortiers lourds et moyen de la compagnie, détruisant pour partie totalement les dispositifs des Français, et en endommageant lourdement d’autres par ailleurs.
A plusieurs reprises, des tirs de représailles durent être envoyés depuis la position près d’Ammertzwiller, en réponse aux perturbations des tirs français de mines et d’artillerie.
Le 12 et 13 février 1916, eurent lieu d’intenses tirs de destruction contre la position française de Balschwiller pour lesquels furent utilisés en tout près de 105 mines lourdes, 279 mines moyennes et 1.165 petites.
Le 24 juillet, la position française de l’entonnoir et la position moyenne près d’Ammertzwiller ainsi que la position avancée de Balschwiller furent arrosées de mines dont 160 grosses, 600 moyennes et 520 légères. Malgré des répliques d’artilleries soutenues sur des observateurs et des emplacements de tirs, le bilan resta positif d’après les renseignements rapportés par nos patrouilles. Heureusement il n’y avait qu’un officier et un officier de liaison en observation légèrement blessés.
La salle de garde de la position d’un mortier lourd à Ammertzwiller (probablement en février 1917) fut atteinte par un tir d’artillerie, tuant 5 hommes (vice-sergent major Mack, le caporal Regelmann, les pionniers Schaumeier, Bohn, Schmid Karl) et en blessant 4. Des équipes de relais répliquèrent immédiatement par des tirs dont les effets furent positifs, quand au 40ème coup un tuyau éclata blessant l’équipe servante (1 sous-officier et 9 hommes) pour partie et la faisant pour partie suffoquer. Les mortiers des positions restantes ouvrirent également le feu de sorte les positions françaises furent bombardées de 55 coups de mines lourdes et 272 coups de mines moyennes.
LIR 121 (121ème régiment d’infanterie territoriale – Landwehr Infanterie Regiment 121)
L’ambiance était fortement surréaliste devant Ammertzwiller, spécialement à l’endroit de la position de l’entonnoir, ainsi nommée suite à un cratère résultant d’une formidable explosion exécutée du coté allemand l’année précédente, et qui fut par la suite occupée par l’ennemi. Les tranchées s’y faisaient face à se toucher, nos postes de sapes d’écoute distants de l’ennemi de moins de 10 mètres. Des treillis anti-grenades caractérisaient la position, des moyens de combats rapprochés et des mines de calibre léger jusqu’aux melons de 1 et 2 quintaux formaient les engins de prédilection ; pour les escarmouches légères, nous avons disposé pour la première fois le lance-grenades ‘’Priester’’,qui pouvaient envoyer sur l’ennemi de grosses grenades sphériques, sans bruit, sans sillage de fumée due à la charge de propulsion, et sans bang de départ, ceci dû à un mécanisme de propulsion mécanique préréglé.
Notre 9ème compagnie sous le commandement du lieutenant Schmid, avait doté la position de l’entonnoir, y inclus sa position fer-de-lance, le poste avancé ’’Sautter’’, de profondes galeries centrales reliées par des couloirs de traverse, de niches de séjour, de différentes entrées, de bouches d’aération et installations de pompage, le nez de ces galerie restant méchamment labouré par d’innombrables tirs de mines. Il y avait lieu ici de garder les yeux ouverts et l’esprit vif, la vie pour un rêveur ne valait pas un pfennig tant il est vrai qu’on peut voir venir les mines et les grenades voler et souvent les éviter, et ils en venaient en sacré nombre.
Ammertzwiller en tant qu’agglomération, se présentait comme une étendue de terre gluante, supportant des restes de maisons et des détritus, avec des trous humides en guise de logement de rez-de-chaussée et des fossés suintants, plongée dans une atmosphère de désolation, peu réjouissante ni d’un coté ni de l’autre.
Dans les profondes galeries d’écoute de la position avancée ‘’Sautter’’, étaient installés de très sensibles appareils d’écoute et d’enregistrement, captant les courants souterrains ainsi que leurs variations, reliés à la station d’écoute du poste de commandement de la section, et conduisant au ‘’ mouchard local’’, secret et spécialité du lieu, où des sous-officiers interprètes de la division se tenaient assis, les écouteurs aux oreilles, pour écouter et noter. C’était une cellule étroite, le plancher 5 à 6 mètres sous la surface, les murs et plafond étayés avec madriers humides : un trou de terre mouillé ; à gauche de la porte, la table d’écoute à laquelle étaient assis, sans bruit, l’opérateur, les écouteurs aux oreilles, le crayon à la main, devant lui le bloc-notes. Au dessus de la table, au mur, des fils, des interrupteurs à couteaux, des tableaux de distribution avec des colonnes d’isolateurs, des petites ampoules électriques et d’autres appareillages d’installation électrique, un dispositif complexe et mystérieux pour le laïque.
Le Français semble avoir eu vent de notre installation, car la plus part du temps il parlait au téléphone de choses futiles. Afin de ne pas perturber le ‘’mouchard local’’, notre section n’était la plus part du temps pas autorisée à rester dans notre propre station d’écoute, et lors des heures autorisées, les ordres étaient de prêter la plus grande des prudences à chaque syllabe et d’utiliser des mots convenus dont la pratique nous donnait une impression de ridicule. Car le bruit courrait que l’ennemi était en possession d’un appareillage d’écoute encore bien plus sensible.
Lors de tirs adverses particulièrement destructeurs, quelques galeries de l’ouvrage avancé ’’Sautter’’ furent endommagées par des tirs de mines à ailettes, alors même qu’elles étaient enfouies sous six mètres de terre.
L’église en ruine d’Ammertzwiller, atteinte de plein fouet par un tir, dressait encore ses murs squelettiques qui se lézardaient à tel point que le lieutenant Schmid les abattit à l’explosif un soir, afin d’éviter tout danger d’effondrement.
L.I.R. 126
L’hiver 1916-1917 s’était manifesté jusqu’à présent sous ses jours les plus favorables. Au cours du dernier tiers de janvier, s’établit un gel féroce et mordant qui rendit extrêmement difficile les conditions de conduite de la guerre. Le canal, plus tard également la Largue, gelèrent totalement en une couche de glace praticable. Cette situation nécessitait une attention de chaque instant pour nos positions et patrouilles.
Le 5 février 1917 au matin, un tir de barrage français d’obus de petits et moyens calibres s’abattit sur Ammertzwiller à 10 heures, à partir de 12h30, les gros calibres se mirent de la partie. Le bombardement fit ses victimes dans le village ; la situation devenait également extrêmement inconfortable à l’état-major du régiment. Á présent, les mines se concentraient en pluie sur l’ouvrage avancé au sud-ouest d’Ammertzwiller. Á partir de 4 heures de l’après-midi, depuis la position avancée mentionnée jusqu’aux sections des positions attenantes, l’ennemi arrosa de grenades et de mines la première ligne et encore d’avantage la deuxième. Les tirs s’intensifièrent en un feu roulant qui s’arrêta graduellement seulement vers 11 heures.
Une patrouille française forte d’environ 6 hommes, apparut une fois dans l’obscurité devant notre front. Elle fut prise sous le feu aussitôt qu’elle put être identifiée et disparut au plus vite. A l’endroit où elle était apparue, l’artillerie française avait auparavant cessé ses tirs.
À partir d’environ 11heures, la nuit suivante s’écoula dans le calme. Des patrouilles envoyées par nos lignes n’avaient constaté aucun bruit particulier, et spécifiquement rien de singulier, tout montrait son visage ordinaire. À 5 heures du matin, un feu nourri mais bref éclata, puis la paix revint. Les Français avaient tirés en tout, environ 11.000 grenades et 1.700 mines.
La journée nous avait couté 5 morts, en blessés, 1 officier, 1 sous-officier et 17 hommes. La position, en particulier la deuxième ligne, avait fortement souffert, mais les souterrains avaient bien résistés. L’ouvrage avancé au sud-ouest d’Ammertzwiller était très endommagé. Le froid qui s’était établi durant tout le moi de février rendait pénible les travaux de remise en état des abords des tranchées détruites et des barrières de barbelés, aussi essuyaient-elles souvent le feu ennemi de tirs de fusils, de pièces d’artillerie, de MG (mitrailleuses) et de lance-grenades.
13ème bataillon de Pionniers (Pionier Bataillon 13)
Le 5.2.1917 les Français arrosèrent l’ouvrage avancé Sauter d’un un feu plus nourri. Un commando d’écoute formé d’un sous-officier et 3 pionniers, qui avait auparavant été ensevelis dans la galerie de mine Pluto, après avoir été dégagé, ne quitta son poste, que lorsque l’ordre d’évacuation de l’ouvrage fut donné.
Dans la nuit du 18 au 19 octobre 1915, les aspirants Sobbe et Stadelbauer firent sauter un poste d’observation français près d’Enschingen.
Aux environs de fin novembre1915, des bombardements à répétitions de l’ouvrage avancé Sautter, ainsi qu’un temps pluvieux ininterrompu, exigeaient d’incessantes remises en état des installations de cette position. Un souterrain enfoui 6 mètres sous terre, fut traversé par une mine de gros calibre. Cependant les sapes minées près d’Ammertzwiller résistèrent au tir roulant d’artillerie française. Seuls quatre pionniers furent blessés grâce à des conditions favorables, lors d’un bombardement de notre position en face de Balschwiller, le 4 janvier 1916.
15ème régiment d’infanterie de campagne K.B.
(K.B. Landwehr Infanterie Regiment Nr.15)
……… faisait aussi partie de la position, l’agglomération d’Ammertzwiller atrocement bombardée, avec certitude le sommet de tout ce qui avait pu être observé jusqu’à présent dans le domaine de la dévastation par les affrontements précédents.
Le dénommé ‘’ouvrage avancé des dragons’’ constituait une position de tous les dangers, opérant une saillie en avant de la ligne générale des positions du régiment, en face de la ‘’position avancée’’ adverse de Balschwiller. L’objectif de prédilection de l’artillerie ennemie était, à coté de celui des lignes établies et des boyaux de communications (par ex. le ‘’Hengergraben’’), les abris des états-majors de commandement et des réserves sis à Bernwiller et Spechbach-le-Haut.
Le 3 novembre 1917, l’artillerie ennemie ouvrit le feu à partir de ses positions du Holzberg, du Fuchsberg, de la forêt de Gildwiller, de Buethwiller et Hagenbach, un grand concert d’orgue en plénum, comme jamais le régiment n’avait vécu. Le bombardement continua, avec quelques interruptions, au cours des jours qui suivirent, jusqu’au 7 novembre 1917. C’étaient des journées pénibles au cours desquelles toutes les forces du régiment furent engagées. Un feu de destruction s’abattit sur les unités de combat par l’utilisation de calibres légers, moyens et lourds, soutenus par 10 mortiers.
Le 31 août 1918, des Américains qui avaient opéré une intrusion au niveau de la ‘’position avancée Kieser’’, soutenus d’une façon encore plus importante par de l’artillerie et des mortiers, furent repoussés et subirent d’importantes pertes, laissant 14 morts sur le champ de bataille, et un prisonnier.
En raison d’une occupation plus clairsemée des 1èré et 2ème lignes (mi-octobre 1918), un peloton d’Américain put un jour pénétrer, sans être repéré, dans la position où justement avait été supprimée la relève du poste de garde.
L’ennemi, qui s’était établi à l’endroit du poste des sous-officiers, eu l’occasion aux premières lueurs du jour, de se saisir d’un sous-officier venant en relève, ainsi que d’un homme d’une patrouille de repérage de la section d’écoute, mais perdit également de son coté, un homme fait prisonnier, suite à une rescousse instantanée. Nos propres patrouilles visitaient à peu près chaque nuit la position ennemie. Elles se faufilaient spécialement en direction des positions avancées et médianes de Balschwiller, vers le Lerchenberg et le Holzberg, conduisant également à des accrochages et à de durs corps à corps avec pertes.
C’est ainsi que, le 16 février 1918, put être localisé le 75ème régiment d’infanterie français (27ème division d’infanterie), le 30 avril, cinq prisonniers furent ramenés, le 13 juin, un prisonnier dévoilait la présence de noirs français (35ème bataillon de Sénégalais). Le premier Américain (114ème régiment) fut fait prisonnier le 31 août. Lors d’une entreprise sur Balschwiller, le 12 octobre, avaient également pu être localisée la présence d’Américains (360ème régiment) et de Français 65ème chasseur).
16ème bataillon d’assaut (Sturm Bataillon 16)
Une section d’assaut de la compagnie wurtembergeoise d’assaut du 16ème bataillon, reçu l’ordre d’envoyer une patrouille dans les positions françaises au nord d’Ammertzwiller, au niveau de la route Ammertzwiller - Burnhaupt-le-Haut, et de pénétrer dans leurs lignes pour y faire des prisonniers. Le commando, constitué d’un vice-sergent major, deux sous-officiers et 15 hommes fut cherché par voiture et acheminé à Bernwiller où il fut pris en charge et hébergé par le 121ème L.I.R.
Déjà le jour suivant, au matin du 20 janvier 1917, la nouvelle arriva au collège épiscopal de Zillisheim, que le commando avait rempli sa mission en revenant dans les lignes allemandes avec un prisonnier.
La patrouille s’était engagée vers 4 heures du matin sans la moindre préparation d’artillerie, revêtue de manteaux blancs pour se dissimuler aux yeux de l’adversaire, puisque tout le paysage était recouvert d’une épaisse couche de neige. Un souterrain facilement reconnaissable par ses agrès de téléphonie adossés au conduit de fumée, attira particulièrement l’attention du commando qui un peu plus loin, tomba sur un double poste. Au cours de l’affrontement qui s’y développa, le sous-officier Lappe et le deuxième classe Walter furent blessés, de même que le Français qui avait été ramené prisonnier.
Le sous-officier Lappe fit part de ses impressions concernant ce coup de main dans un courrier qu’il avait rédigé dans l’hôpital de campagne de Lutterbach.
« Nous fûmes amenés par voiture dans la position et hébergés dans une hutte délaissée, dans laquelle le lieutenant Bömig nous fit un topo à l’aide d’une esquisse, sur les positions approximatives des tranchées ennemies.
À la nuit, nous rejoignîmes la position du 121ème régiment d’où nous avançâmes, recouverts de manteau de neige vers la zone de front pour nous rapprocher des rangées de barbelés ennemies. Après plus de deux heures d’un travail inlassable, nous réussîmes, tantôt sur le dos, tantôt sur le ventre, à pratiquer un couloir dans l’épaisse masse de barbelés. Tout le paysage était recouvert de neige. Nous observions déjà au cours de notre action de cisaillement l’activité de l’ennemi et découvrîmes qu’immédiatement près de notre couloir devait se trouver un double poste ennemi. Car on entendait de temps en temps parler.
Après nous être sortis de notre couloir de barbelés, nous nous glissâmes furtivement, à distance raisonnable, rampant sur le ventre vers l’accès de la tranchée pour nous y couler sans bruit à l’intérieur. Il n’y avait tout d’abord pas trace d'une sentinelle. Nous discernâmes cependant un souterrain qui paraissait avoir deux entrées. Je répartis immédiatement mes hommes et nous mis en position d’attaque. Nous eûmes à faire à un double poste de sentinelles que j’exhortais à se rendre. Malheureusement l’une se défendit et fut gravement blessée et l’autre soldat français fut apparemment tué. Je fus blessé au corps et à la main par des éclats de grenade.
La garnison française du souterrain qui était sortie au début de l’engagement fut accueillie par des grenades à main lancées par une autre partie de mes hommes et paraissait avoir subie de sérieuses pertes. Le retrait général avec le prisonnier fut un succès, même si notre patrouille avait été prise sous un feu nourri de l’infanterie ennemie.
Le 12 octobre 1918, un autre coup de main semblable fut exécuté avec succès sous le commandement du lieutenant Hagenmeyer près de Balschwiller. Pour la première fois, furent faits prisonniers des Américains, dont deux officiers et huit hommes du 360ème régiment d’infanterie, et du reste cinq Français du 65ème régiment de chasseurs.
Tout d’abord, une rapide esquisse du milieu environnemental. L’auteur de l’Histoire du 8ème Régiment d’Artillerie Territoriale de Campagne(Landwehr-Feldartillerie-Regiments Nr.8) décrit l’atmosphère qui régnait dans le Sundgau, au cours de l’automne 1914.
Ce n’est presque pas croyable. Je me tiens ici sous les majestueux marronniers, et laisse errer mon regard par-dessus une étendue vallonnée. A mes pieds, tout juste à l’entré de la ville, s’étendent nos positions. On distingue avec précisions leurs lignes, et un peut plus loin vers l’ouest, de l’autre coté, à l’orée de la forêt, se profilent les premières tranchées des Français, reconnaissables à l’œil nu. On peut discerner avec précision les contours du toit, des fenêtres et portes de la maison forestière qui leur sert de poste avancé d’observation. Mais rien ne bouge. Pas un coup de feu ne retentit. Il semble régner une paix profonde. Les collines et les champs brillent sous la fraîche lueur des rayons du soleil de début d’automne. Que signifie tout cela ? Que nous réserve ce silence pesant ? Le Français ne tire pas sur Altkirch. Il sait pourquoi… Ils savent précisément qu’un bombardement d’Altkirch aurait immédiatement comme conséquences la réplique de nos batteries sur leur base d’appui de Dannemarie, qui ne se trouve qu’à quelque kilomètres de là. Tout reste donc tranquille.
Dans la charmante ville d’arrondissement d’Altkirch tout se passe comme à l’accoutumé. Les gents de rendent à leur travail, regardent par la fenêtre, devisent sur le pas de porte en riant ou plus sérieusement. Dans les cafés on sert de l’excellente bière, des tartines beurrées étalées de foie d’oie fait maison, ou du fameux fromage de Munster prélevé sur la dernière réserve. Les jeunes filles dans les rues pouffent de rire lorsqu’on leur jette un regard appuyé et se retournent au prochain coin de rue. Bref, tout se passe comme si toute la population se fiche du fait que dehors, devant leurs portes, la Furie guerrière tempête. La petite ville s’étire là, calme, pesqu’encore un peu endormie.
Sur la colline de l’ancien château, entouré d’un bouquet de frondaisons des magnifiques arbres, se trouve le lycée. La vue que l’on y a à partir des salles de classe doit être splendide. Calmement, les cloches de la vaste église, érigée comme le certifie la date « anno 1850 » « de la république française » sur l’emplacement du très ancien petit sanctuaire, de là l’origine du nom de l’agglomération, invite les fidèles à la prière.
La mairie flanquée de son étrange cloche suspendue dans un campanile ouvert, trône paisiblement, les hôtels particuliers de la Place du marché attendent le passant placidement,…..Non, cette ancienne capitale du Sundgau ne se laisse pas aussi facilement démonter. Elle conforte son indolence…..Et dehors la Mort rode furtivement.
Elle a même tout récemment frappé à deux pas de la porte des maisons. En bas, au pied de la colline, en face du lit de l’Ill, la gare ; celle-ci représente depuis belle lurette une épine dans l’œil des Français. Le ‘ pourquoi’ n’est pas très compréhensible, il ne viendrait à l’idée de personne d’utiliser une gare sous l’œil de l’ennemi ; ça ne fait rien, ils arrosent allègrement l’endroit pour, en fait, un piteux résultat ; le gros œuvre entièrement déchiqueté par des tirs, l’intérieur rempli d’éboulis. C’est devenu une station hautement démocratique : l’aspect des salles d’attente 1ère et 2ème classe ne se différencie pas de celui des 3ème et 4ème classe, l’une et l’autre étant transformées en amas de décombres. Même l’endroit agréable à visiter situé à l’écart, fut victime du bombardement ininterrompu.
Ses murs sont abattus et les cellules qui d’habitude sont séparées, se saluent dans un curieux élan de profonde tendresse. Sur le quai dont le sol est jonché d’éclats de verre, la signalisation datant encore de juillet 1914 indique « Belfort »…Oui ! Le trafic sur cette ligne est arrêté dans les deux sens. Perturbation du service !
On pense au temps, aujourd’hui invraisemblable, où l’on pouvait, sans autre forme de procès, sans carte d’identité et même sans passeport, traverser la frontière et, dans l’après midi, aller visiter la citadelle. On s’achetait simplement un billet. « En voiture pour Belfort ! » criait le contrôleur et le train démarrait. Le soir, on était de retour. Temps merveilleux !
De même, les grenades qui avaient manqué la gare, s’écrasaient en miaulant sur le cimetière voisin, situé de l’autre coté du lit de l’Ill. Plus au sud, sur le chemin menant à Carspach, à l’heure où les ouvriers rejoignent leur lieu de travail, plusieurs d’entre eux, dont des femmes, perdirent la vie, victimes de cette aberrante canonnade. En dehors de cela, le silence règne. Durera-t-il ? Ce coin de l’Alsace situé au sud de la porte de Belfort, continuera-t-il longtemps à rester dans l’immobilité permanente de cette guerre de positions ? Ou n’est-ce que le calme avant la tempête ? Un souffle que l’on retient avant le déclanchement de l’orage ? Des écrits venus de l’extérieur se permettent depuis quelques temps de faire état de rumeurs décrivant la terre du Sundgau abreuvée de torrents de sang écarlates. Ils parlent même de façon énigmatique, de renforts français, d’Italiens, de Marocains. Le futur proche seul nous dira si ces thèses évoquées et les considérations dont on les crédite étaient sensées. Advienne que pourra, les lignes allemandes sont prêtes à accueillir tout visiteur comme il le mérite.
Déjà, durant les journées du 6 au 14 décembre 1916, Altkirch et plusieurs localités le long de la ligne de front furent évacuées et les habitants, pour ceux qui ne s’étaient pas encore retirés sur l’arrière, mis en sécurité de l’autre coté du Rhin.
La situation du front entre Altkirch et Burnhaupt le Bas
Le 3 janvier 1916, la 52ème brigade territoriale d’infanterie de campagne (52 Landwehr-Infanterie-Brigade) alors stationnée près de Cernay, fut relevée et déplacée à quelques kilomètres plus au sud le long du canal du Rhône- au-Rhin. Le 126ème régiment territorial d’infanterie de campagne (L.I.R.126) était composé de 3 bataillons et d’une section de mitrailleuse, il comptait 69 officiers, 258 sous-officiers, 2656 hommes de troupe et 183 chevaux. Un bataillon occupait le secteur de la cote 293 jusqu’au canal, un deuxième bataillon prit position au sud du canal jusqu’au « Hasselbächle » près d’Aspach. Le commandement du bataillon et du régiment était installé au château de Heidwiller. Le 3ème bataillon était au repos dans des lieux d’hébergements répartis sur les localités de Brunstatt, Didenheim, Hochstatt et Zillisheim, et faisait en même temps office de réserve de brigade. Au nord, à coté du 126ème L.I.R. se trouvait le 123ème L.I.R. et plus au sud le 121ème L.I.R. L’état major avait ses quartiers à Tagolsheim.
Les villages qui étaient sur la ligne de front, à savoir, Enschingen, Brinighoffen, Spechbach le Bas, et Heidwiller furent évacués de leurs derniers habitants, ce qui avait été déjà le cas pour la majeure partie d’entre eux. En février, les habitants des localités d’Illfurth, Zillisheim, Tagolsheim, Walheim, Fröningen, Aspach, Altkirch et Galfingue connurent le même sort.
A peine les nouvelles positions furent elles intégrées, que le Régiment de la brigade était amené à faire paraître le communiqué suivant :
La première ligne de feu n’est partiellement pas encore entièrement aménagée. A plusieurs endroits elle parait achevée, mais trop fragile et ajustée trop haut. Des meurtrières font défaut en nombre.
La deuxième ligne de feu reste encore en maints endroits totalement inutilisables, à d’autres emplacements, par défaut de présence de soutènements, elle s’est à nouveau effondrée. Elle est en de nombreux endroits changée en marécage. Les boyaux de communication et d’approche sont pour la plus part gorgés d’eau et sont effondrés. Le nombre des souterrains semble à peu de chose près insuffisant, ceux qui sont utilisables sont mal construits et en beaucoup d’endroits effondrés. Le réseau de barbelés est dans la majorité des endroits trop étroits.
Donc, la tâche du régiment fut de remettre la main à la pâte avec entrain et reconstruire. Cette besogne stressante se poursuivit nuit et jour jusqu’à mi-février. Mais également de l’autre coté, chez les Français, la fébrilité était de mise dans le creusement de tranchées au détriment des coups de feu. Les pertes jusqu’au 20 février se montaient à 22 hommes, dont 8 tués par une seule grenade.
A la 52ème Landwehr Infanterie Brigade, s’adjoignit également la 121ème L.I.R. pour prendre leurs quartiers dans le Sundgau. Le 1er bataillon occupa les positions devant Aspach, le 2ème bataillon, celles à l’ouest de Carspach. Le 3ème bataillon se plaça en réserve dans les localités encore habitées de Tagsdorf, Emlingen, Wittersdorf, Obermorschwiller et Luemschwiller derrière le front. Le quartier général du régiment établissait son cantonnement à Altkirch. La zone de front n’était pas encore évacuée, même Aspach et Carspach qui ne se trouvaient qu’à 200 mètres derrière la ligne de feu, étaient encore partiellement habités ; il y avait peu de constructions endommagées. Les chiffres au moment de l’évacuation étaient variables en fonction de leur provenance. L’adversaire occupait l’orée est des bois communaux, du Lerschenberg, du « Stökete » avec la parcelle 1, du « Elsberg », « Dockenberg » et «Glückerwald » et camouflait de ce fait ses avant-postes de ligne de feu. Pendant que notre front ne disposait, à l’extrême sud de notre aile droite, que d’un petit bois près de la chapelle « Litte » qui était occupé pour moitié par nous, pour moitié par notre voisin du 126ème L.I.R., et plus au sud-ouest, le « petit bois carré » avec ses 12 arbres et 20 buissons. Notre ligne s’étendait à ciel ouvert à travers champs, sur le flanc droit, à partir du milieu de la pente ouest du « Lerschenberg » (348m), à part cela, un simple alignement de crêtes dessinées par le vallonnement du terrain fermait notre Ligne. Une bande de terre d’une largeur comprise entre 400 et 1000 mètres présentant différentes dépressions et affaissements partageaient les protagonistes.
Chaque bataillon était en charge de 2,5 km de front, non pas considérés comme une position continue, mais sécurisés par une bonne douzaine de points d’appui soigneusement alignés et espacés, pouvant chacun accueillir la moitié d’une compagnie. Des réseaux de barbelés, des abris souterrains et de la galerie minée présentant un potentiel moyen de défense étaient en place. Tout était dégoulinant d’humidité, résultat d’un temps hivernal régit par la rosée et la pluie, et dû à la faible profondeur des couches souterraines aquifères.
Nous nous étions à peine habitués que tout pris une autre tournure pendant la nuit. La division exigea des abris résistant aux tirs, pour plusieurs milliers d’hommes dans les tranchées et ceci dans un délai de quelques semaines seulement. Des tunnels furent creusés comme par magie pour devenir le « réseau de galeries » ainsi que d’autres abris souterrains importants. Jour et nuit, le maniement des bêches se pratiquait sur trois, voire quatre équipes de terrassement, en coordination avec la 2ème compagnie territoriale du Génie 13.
Ces nouvelles directives étaient spécialement ressenties comme un coup de couteau dans le lard par la 3ème batterie de réserve, car il y avait encore énormément à faire à l’arrière. Les commandants de secteur furent tenus du jour au lendemain, de préparer leurs villages à accueillir d’innombrables troupes et des centaines de chevaux. L’artillerie avait à construire, dans le secteur ouest de Tagolsheim-Wittersdorf, de nouveaux emplacements de batteries comprenant des abris couverts pour les équipes de servants et un dépôt de munition hors d’atteinte de tirs. Le donneur d’ordre avait exigé, pour commencer, l’intervention de 200 hommes par compagnie, travaillant 8 heures par jour, auxquelles étaient rajoutées 2 à 3 heures de marche nécessaires à l’aller et au retour, sous une pluie battante, car il pleuvait come vache qui pisse. Comme cette cadence n’était pas endurable, on se mit d’accord pour un travail à la tâche, ce qui arrangeait les deux parties. Les deux jours restants étaient réservé à s’exercer, s’entrainer, à tirer suivant les règles de l’art, à faire de la gymnastique, à enseigner, à répéter les maniements pour la protection contre les gaz, à l’entretien des armes et répondre à l’appel, pendant que les tambours et les joueurs de cor vérifiaient leurs instruments dans les bois à l’écart. C’est ainsi que se dessinait le « repos » dans les hébergements du secteur du bataillon de réserve.
Venons- en à présent à la situation de la zone droite entre le canal du Rhône au Rhin et Burnhaupt le Bas, où le 123ème L.I.R. avait pris ses quartiers depuis mars 1915.
Sur cette étendue plate il n’existait pratiquement aucune possibilité d’accès aux premières lignes au travers de chemins abrités : des champs de blé s’étendaient jusqu’au lointain, des prés plantés de quelque arbres épars, des buissons clairsemés, les synclinaux de la rivière s’étalaient paisiblement aux yeux de l’ennemi. Seuls les riches villages paysans, entourés, comme sur une peinture, de leurs vergers abondants, Burnhaupt le Bas sur l’aile droite, Enschingen, Brinighofen, Spechbach le Haut et le Bas sur l’aile gauche, Ammertzwiller et Bernwiller au centre, procuraient de par leur implantation dense une protection visuelle. 3 à 4 kilomètres derrière l’aile droite et au centre s’étendait la région forestière des bois « Kauf- et Spechbacher Holz » qui garantissaient un abri à l’artillerie allemande.
L’ennemi était mieux loti. Sa position principale en face de l’aile droite du 123ème L.I.R. se trouvait établi sur l’étendue forestière de Diefmatten et Gildwiller, lieu de séparation entre les collines prédominantes de la vallée du Sulzbach et celle de Spechbach. Il avait établi ses avant-postes jusqu’au niveau de la large chaussée qui conduit de la vallée de la Largue, en passant par Balschwiller, vers Burnhaupt le Bas et Burnhaupt le Haut. Balschwiller représentait un solide emplacement d’angle de son système de positions. De là s’étendait sa toute première ligne le long de la large embouchure de la vallée de la Largue jusqu’à 1,5 kilomètres à l’ouest de Heidwiller. Le massif fortement boisé coté sud de la Largue, au nord des localités d’Eglingen, Hagenbach et Ballersdorf, procurait aux Français, en face du 123ème L.I.R., un rempart naturel de premier ordre. Principalement leurs batteries légères et lourdes bénéficiaient partout d’emplacements privilégiés. Ils avaient aussi la possibilité, à toute leur aise, d’acheminer par la voie ferrée passant par Dannemarie, toutes leurs troupes et tout l’approvisionnement en munitions, machines, ravitaillement depuis leur « bastion » de Belfort.
Cette situation s’était finalisée après la guerre de mouvement de début septembre 1914. Ce n’est que lorsque le conflit prit, également dans le Sundgau, le caractère de guerre de tranchées, que la faiblesse des positions de défense allemandes se révélèrent petit à petit. Le tracé des lignes allemandes formait, au sud-ouest d’Ammertzwiller, à peu de chose près, un angle droit. Le front orienté globalement nord-sud, à cet endroit, s’infléchissait presqu’ en direction de l’est.
La localité d’Ammertzwiller devenait de ce fait un coin avancé dont la pointe se positionnait à la confluence des routes Burnhaupt le Bas-Balschwiller et Ammertzwiller-Gilwiller. En tant que telle, cette portion du front était vouée à devenir le point névralgique de combats continuels. Le devoir tactique du 123ème L.I.R. n’était pas facile à définir à cet endroit. Il s’agissait ni plus ni moins d’assurer le verrouillage de la large route qui mène de Belfort, en passant par Balschwiller, justement vers Mulhouse. Déjà en décembre 1914 et janvier 1915 les Français avaient attaqué au niveau de cette position avancée, le 27 janvier, pas moins de six fois.
L’aménagement de la position était mauvais. Les boyaux et tranchées insuffisamment, parfois maladroitement, installés, les souterrains insuffisants en nombre et en solidité, les réseaux de barbelés étroits comme un fil et faibles en structure. Aucune section de compagnie n’était reliée à sa voisine par des boyaux. Les formations ennemies avaient la possibilité déconcertante, par nuit et brouillard, de pénétrer dans les brèches et menacer les troupes allemandes sur leur flanc et dans leur dos. C’est avec la plus grange énergie qu’on s’attela à la construction de positions. Sur le flanc gauche, la confluence de la Largue et du canal représentaient un obstacle naturel géographique excellent, ce qui mettait à distance respectable le positionnement des tranchées des deux parties. La situation se présentait différemment pour le bataillon intermédiaire stationné dans le secteur d’Ammertzwiller. On se trouvait pratiquement face à face. Ici, on ne pouvait pas dire que la localité présentait un endroit pas, ou du moins peu endommagé, dont on aurait pu aménager confortablement les maisons lorsqu’on revenait de son service au poste avancé. Ici, à l’exclusion de tout autre chose, des ruines et des tas d’infâmes montagnes de débris scrutaient le soldat au retour de sa garde. Ici, on se battait à la grenade et au mortier, ici on s’enterrait comme une taupe sous terre et cherchait refuge dans les caves et souterrains. On pouvait être envieux pour le moins des compagnies des 2ème et 3ème bataillons qui avaient l’opportunité d installer leur cantonnement à Burnhaupt le Bas, à Enschingen encore habité ainsi qu’à Spechbach le Haut et le Bas ! On y disposait d’assez de salles de service, de cuisines, de cantines, d’étables pour les chevaux. Rien d’étonnant que les soldats du 3ème bataillon qui furent si malmenés, considéraient dans des gribouillis que leur séjour dans le secteur de Burnhaupt le Bas au printemps et été 1915 se passait dans « la plus agréable des positions ».
Bien entendu, le 2ème et 3ème bataillon avait également beaucoup à faire dans la construction des positions. Leurs lignes étaient également dans un état désastreux. Ils n’avaient par conséquent pas l’opportunité de se croire au pays de cocagne.
Les hommes qui n’étaient pas de service à l’avant-poste ou en patrouille, étaient tenus de se saisir de pioches, pelles, marteaux et haches et travailler fermement jour et nuit. Afin de rendre la défense plus dynamique et plus souple, les lignes furent déplacées vers l’avant en plusieurs endroits. C’est ainsi que furent crées, sur l’aile gauche de la position du Lerschenberg, le « Vorwerk Stark », (ouvrage Stark), sur l’aile droite de la position sud d’Ammertzwiller l’ultérieur « Vorwerk Sautter » (ouvrage Sautter) et à l’aile gauche de la position de Balschwiller le « Vorwerk Kiefer » (ouvrage Kiefer). Simultanément, un boyau fut creusé entre Bernwiller et Ammertzwiller. Les 27 et 28 mars de soudaines précipitations de neige eurent lieu, suivies de très près par leur fonte et par un temps pluvieux. Les conséquences furent catastrophiques. La terre argileuse des tranchées était détrempée et se dérobait sous l’humidité, tout ce qui n’était pas soutenu par des coffrages s’effondrait. Les trois semaines de travaux du régiment furent réduites à néant en un instant. A cela s’ajouta une résurgence de l’eau de terre. Les tranchées ressemblaient en parties à des lacs, en partie à une bouillie visqueuse et gluante. Ceci fut la malédiction de la guerre en plaine. Il fallu déployer ses dernières forces pour arriver à redevenir maitre de la situation, en s’attelant à la dure corvée pour redonner aux tranchées leur aspect praticable et leurs fonction de défense.
A plusieurs endroits de l’Histoire du Régiment, l’ampleur de l’impact des conditions climatiques dans la souffrance des troupes est clairement souligné : alors que les lignes de tranchées étaient pratiquement achevées, un violant orage éclata et déversa une pluie diluvienne dont des torrents d’eau noyèrent tranchées et abris souterrains. La terre argileuse souple, qui ne laissait pas passer l’eau, commençait à glisser et de grandes longueurs de tranchées non encore étayées s’écroulèrent en une bouillie et une glaire marécageuse. Tous travaux de pompage ou manier l’écope furent vain. A beaucoup d’endroits l’eau montait à hauteur de poitrine. Le commandant de bataillon accompagné de son adjudant avait l’habitude de procéder quotidiennement à l’inspection d’une position. Ils arrivèrent dans la nouvelle tranchée dont les bords s’étaient écroulés à cause de l’eau. Bientôt l’eau monta jusqu’aux genoux, puis jusqu’au ventre, finalement jusqu’à la poitrine. En fin de compte il ne resta aux deux officiers que la seule option de regagner l’ancienne tranchée de la 1ère compagnie à la nage. C’était un tableau pour les dieux, quand les sentinelles ébahies aperçurent leur capitaine et adjudant revenir à la nage et ensuite enlever leurs longues bottes d’équitation et les vider de leur eau.
C’était une satisfaction de savoir que les Français n’échappaient pas aux mêmes tribulations. On voyait amis et ennemis peiner à écoper et pomper l’eau, à longueur de jours et de nuits. La plaine de la Largue devant Enschingen ressemblait à un seul lac ; cela empêchait aussi l’adversaire d’entreprendre quelque chose à cet endroit.
Nous n’allons pas d’avantage passer sous silence comment le 1er bataillon près de Burnhaupt avait à souffrir des masses d’eau.
A l’ouest de Burnhaupt le Bas, plusieurs ruisseaux naturels se déversaient en provenance des lignes ennemies vers les lignes allemandes, au travers de légères déclinaisons du terrain. Lorsque la pluie commença à tomber, les Français eurent l’idée diabolique d’arrêter l’eau, la stocker et la faire s’écouler brutalement la nuit vers les tranchées allemandes positionnées plus bas que le lit de ces ruisseaux naturels. Le lit de la rivière ne suffisait plus et l’eau continuait inexorablement à envahir les tranchées. Les sentinelles furent surprises lorsque l’eau de pluie tombée durant cette nuit de déluge et de tempête atteignit lentement mais sûrement les genoux, non moins terrifiés furent les camarades se reposant dans les souterrains profonds de leur harassant travail de creusement, d’apercevoir à minuit l’eau dégouliner en trombe les marches de l’abri et leur campement commencer à flotter.
Encore et encore l’eau coula ; le niveau de l’inondation montait toujours. Des tranchées devaient être délaissées, des souterrains évacués en hâte. Il n’y avait pas d’autre moyens que d’appeler chaque homme, jusqu’au dernier des employés aux écritures et commis de cuisine, à manier la pompe amenée in extrémis et pomper. Quelque fut la quantité de cette mélasse brun- jaune pompée à l’extérieur, cela n’aidait pas énormément. Le commandant du 1er L.123 qui dirigeait personnellement les opérations, fit creuser, par toute la compagnie de réserve, un profond fossé d’évacuation des eaux, long de plusieurs centaines de mètres, qui s’étendait depuis la troisième ligne de feu, au sud de la chapelle St. Wendelin, jusqu’au bois de Spechbach, et assécha ainsi la troisième ligne de feu « noyée ».
Enfin, il fut encore souligné que ce régiment, après avoir subi un échec et de fortes pertes lors d’une patrouille de reconnaissance à la sortie est de Bernwiller, près de la maison de campagne Henner, implanta un cimetière militaire. Plus tard, il fut agrandi suivant les plans du sous-officier ‘’Gänsle ‘’ de profession chef de chantier, doté d’un monument commémoratif de bon goût, et planté d’arbres et de massifs décoratifs par le lieutenant Dietterlein , qui fut plus tard officier d’ordonnance au quartier général. Pus de 100 morts du 123ème Régiment Territorial d’Infanterie et plusieurs courageux soldats français morts au combat, trouvèrent là leur repos éternel.
Le cimetière n’existe plus aujourd’hui. Les morts furent transférés dans les grandes nécropoles militaires.
Le monument commémoratif se trouve à ce jour sur le cimetière militaire près d’Illfurth.
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