Le front du Sundgau – 1914-1918 – AMMERTZWILLER

    « Ammertzwiller, localité abominablement détruite, à ce jour, sommet de la désolation destructrice à jamais offerte au regard, par les combats sans merci »
    « Ammertzwiller même, se présentait comme une masse de terre d’argile visqueuse, impactée par la mitraille, avec des squelettes de maisons et des tas d’immondices épars, des trous humides en guise de taudis et des fossés ruisselants, engoncé dans une atmosphère oppressante, accablante de tous cotés ».

    La portion de front entre Heidwiller et Burnhaupt-le-Bas était un endroit stratégique du front du Sundgau. Après que le front se fut peu à peu stabilisé en automne 1914 et ne subit plus que peu de changements, des travaux d’excavation furent entrepris avec énergie. Au cours des ans, des kilomètres de tranchées, de nombreuses galeries et abris souterrains virent le jour. De nos jours, peu sont encore visibles.
Les positions d’Ammertzwiller et alentour en 1916 sont illustrés par la carte. Les tranchées françaises sont marquées en rouge, celles des Allemands en bleu.
On peut bien reconnaitre sur le flanc ouest d’Ammertzwiller la partie saillante des lignes allemandes, le dénommé « Ouvrage avancé Sautter (Vorwerk Sautter) »  
Le village se trouva totalement détruit à la fin de la guerre.
Dans la littérature qui y est consacrée, se trouvent encore beaucoup de comptes-rendu et descriptions relatifs aux évènements de l’époque. Nous aimerions en rappeler quelques uns dans les pages qui suivent. On doit cependant garder à l’esprit que ces textes sont en permanence teintés à la fois de subjectivité et de patriotisme.


Wirth HWK1 :
    Le 24 septembre 1914, aux heures de midi, trois compagnies du L.I.R.40 (40è Landwehr Infanterie Regiment = régiment d’infanterie de défense territoriale) commencent à s’enterrer près d’Ammertzwiller. Des forces civiles y prêtent main forte. Tout juste une heure plus tard, les obus sifflent. Une batterie française à ouvert le feu depuis la forêt de Gildwiller. Soldats et travailleurs civils se rendent dans la tranchée. Une compagnie cantonnée plus bas vers Spechbach compte des pertes. Les tirs ne durent pas longtemps. Des grenades tirées par nos obusiers les réduisent au silence.  Pour la première fois, les villages d’Ammertzwiller et de Bernwiller sont atteints par des obus, sans grands dégâts.  
Le 4 octobre, des groupes français essaient en vain de s’emparer d’Ammertzwiller. 
Le 2 décembre, un intense feu d’artillerie s’abat sur la portion entre Ammertzwiller et Bernwiller. Une brigade française s’élançant depuis la forêt de Gildwiller est repoussée.  400 morts jonchent les abords des tranchées allemandes. Il ne reste qu’un immense tas de ruines d’Ammertzwiller. Pas une maison, pas un arbre n’est debout. La magnifique église gothique a été détruite de fond en comble. Après la guerre, on trouva encore deux cloches en bon état parmi les ruines. Il y eut aussi des pertes sévères parmi les victimes civiles. Ainsi, près de Bernwiller, une grenade française explose au milieu d’un groupe d’une famille au travail et tue trois enfants.  

Engagement de mortiers près d’Ammertzwiller, décembre 1914, Killian2
    Le 6.12, Killian et son camarade Türk furent appelé depuis Feste Istein à Ammertzwiller, afin d’étudier les positions en vue d’un premier engagement de mortiers. Ils chevauchent, en passant par Mulhouse, jusqu’à Ammertzwiller. L’étude se révéla peu satisfaisante. Il s’avéra difficile de trouver une position satisfaisante, d’autant que le niveau de la nappe phréatique apparaissait élevé. Malgré tout, l’unité de MMW (Mittlere Minen Werfer = mortier moyen) fut déplacée vers Mulhouse, le 9.12.
Nous nous déplaçons par marche nocturne au travers de la forêt de la Hardt, et arrivons vers 6 heures du matin à la caserne des chasseurs à Mulhouse. Un intense grondement de canons nous parvient depuis Cernay. De temps en temps on aperçoit   des prisonniers français marcher dans les rues de Mulhouse. Ils sont entièrement sales avec une mine blafarde. Il émane de ceux d’entre eux qui viennent de la cote 425 et de Steinbach, une vision d’épouvante. On pouvait croire qu’ils étaient barbouillés de sang coagulé. Les collines là-haut se composent de terre glaise rouge. Celui qui tombe dans la boue se couvre de terre couleur rouille.
Nous obtenons enfin l’ordre de notre premier engagement « le 25.12.1914, 20 heures, départ en direction d’Ammertzwiller ». Vers 4 heures du matin, nous atteignons notre objectif par une nuit noire. Notre mission est de détruire une gênante position ennemie établie à l’orée de la forêt de Gildwiller, qui menace nos positions près du Lerchenberg par ses tirs latéraux de mitrailleuses. Il est prévu d’ouvrir le feu, la nuit. On peut constater dans le village les immenses dégâts laissés par les combats des derniers jours. L’église à fortement encaissé. Elle n’est distante des premières lignes que de 500 mètres. Nous pouvons accéder au village au travers d’un étroit boyau de terre depuis notre position de MMW (mortiers moyens), située en contre-pente, très près de la première ligne.  
Nos positions sont à présent établies. La colonne avec les pièces d’artillerie et les munitions pénètre dans le village vers 3 heures du matin. La lune est suffisamment claire pour nous permettre immédiatement de mettre en batterie nos mortiers. Pendant que je recherche une bonne position d’observation sur l’avant, laissant le téléphone, commence vers 11heures une bordée d’artillerie ennemie qui couvre d’obus nos tranchées et le village d’Ammertzwiller. Les tirs passent tout juste 2 à 3 mètres au dessus de nos têtes - on sent le déplacement d’air -pour exploser 50 mètres derrière nous dans les boyaux de liaison. Nous pouvons parfois observer du coté de Gommersdorf, les départs de feu d’artillerie lourde. À 3 heures de l’après-midi nous somme parés à faire feu et le signalons à la brigade. Nous espérons rester dissimulés, mais tout juste une demi-heure plus tard un vrombissement se fait entendre dans le ciel, suivi de l’apparition d’un biplan Wright français avec ses deux hélices et le poste de pilotage à ciel ouvert, qui nous survole et revient sans coup férir, malgré les tirs. Quelques moments plus tard, les tirs d’artillerie redoublèrent d’intensité.  
L’après midi, je prends la direction du village en compagnie de 4 hommes, au travers de l’étroit boyau de communication pour y chercher une tôle ondulée destinée à notre emplacement de munitions. Les tirs d’artillerie deviennent éminemment plus nourris, ce qui nous oblige à traverser le village, d’abris en abris, et chaque fois attendre l’impact. Nous sommes tout juste au niveau de l’église quand un gros bahut traversa le ciel en provenance de Gommersdorf. On peut voir venir le projectile se mouvoir tranquillement dans les airs. D’un saut nous nous précipitons à plat ventre derrière le mur du cimetière. La grenade impacte à peine 20 mètres plus loin. Les fesses serrées, nous attendons tous l’explosion. Mais tout reste tranquille : une veine de pendu, c’était un « Blindgänger » (grenade non explosée) !
Notre objectif se trouve à environ 200 mètres de distance de nos tranchées ; une base d’appui avancée, avec des souterrains, nids de mitrailleuses, sapes et des réseaux de barbelés. Nos lanceurs moyens de grenades sont encore mis en batterie à la lumière du jour. Je me rends vers l’avant, en observation. Tout est tendu à l’extrême et dans l’attente.
A 9h45, le premier tir part dans la pénombre. Personne n’a vécu quelque chose de pareil, nous ne sommes habitué jusqu’à présent qu’à un claquement sec du départ. Seulement que maintenant commence le plus somptueux des feux d’artifice, car on peut suivre la trajectoire de la mine à la lueur du panache des fusées de retardement. Elle traverse le ciel nocturne telle une comète. Splendide – mais structurée d’une façon incompréhensible. Nous sommes pris d’une frayeur modérée, car cette magie pyrotechnique nocturne fait immédiatement découvrir chaque emplacement de mortier. Probablement que le haut comité des ingénieurs, en temps de paix, n’a essayé les mortiers qu’en plein jour.
De l’autre coté, une détonation assourdissante, des langues de feu, fumée et atmosphère à couper au couteau. Les éclats de la mine passent en miaulant au dessus de nos têtes. Toute la garnison de la tranchée est sur pied et se précipite malgré l’interdiction, sur les parapets pour contempler l’intéressant spectacle. Nous envoyons 20 coups sur la position française et saluons avec satisfaction chaque coup au but. Entretemps, une patrouille se prépare. Un sous-officier avec 12 hommes sautent par-dessus le parapet à la lueur lunaire, se précipitent après le dernier tir, à champ découvert en direction de la position au ras du sol. Je peux tout juste encore apercevoir aux jumelles les silhouettes de l’autre coté devant les barbelés, et ils disparaissent. L’artillerie française s’est entretemps sortie de sa stupeur et cherche à nous localiser. Nos hommes réapparaissent soudain, leurs pas crissent sous la terre légèrement gelée et reviennent l’un après l’autre. L’appui fortifié est détruit, l’ennemi à déserté le point d’appui, mais a regagné rapidement ses positions pour les regarnir de mitrailleuses. La patrouille revient sans perte.
Nous démontons immédiatement, les haubans sont affalés et la division VI des MMW retourne en chantant vers Mulhouse, dans la grisaille matinale.

Extraits de l’histoire du régiment du L.I.R. 1233, Mars 1915-octobre 1916.

    Lorsque le régiment fut engagé ici le 5 mars 1915, son front courrait depuis Spechbach, au sud de Burnhaupt-le-Bas jusqu’au canal Rhin-Rhône. Il s’agissait ni plus ni moins de barrer le passage de la route menant de Belfort directement à Mulhouse, en passant par Balschwiller. Le premier bataillon fut dévolu à la section d’Ammertzwiller, l’état major de régiment cantonné à Bernwiller. La partie forestière des bois du Kauf et de Spechbach (Kaufholz, Spechbacher Holz), susceptible de conférer un abri à l’artillerie allemande, s’étendait trois à quatre kilomètres en arrière du front. La principale position française se trouvait sur la longue bande boisée de Diefmatten et Gildwiller (Buchwald et forêt de Gildwiller), qui d’une traite délimite le secteur dominant des collines de la vallée du Soultzbach d’avec celle de Spechbach. Leurs avant postes s’étaient avancés jusqu’au bord de la large voie qui mène, au sortir de la vallée de la Largue, de Balschwiller jusqu’à Burnhaupt-le-Bas et le-Haut. Balschwiller formait un bastion clé dans leur système de positions. De là, leur toute première ligne suivait la Largue s’écoulant par la large embouchure de sa vallée jusqu’à 1,5 km. à l’ouest de Heidwiller. Les hauteurs fortement boisées au sud de la Largue et à l’est des localités d’Eglingen, Hagenbach et Ballerdorf, procuraient aux Français un excellant abri naturel. Dans ces forêts étaient positionnées leurs batteries légères et lourdes, partout à des endroits favorables. Ils pouvaient également y amener leurs troupes et tout l’approvisionnement en munitions, engins et intendance, par Dannemarie, grâce à un train de marchandise direct au départ de la citadelle de Belfort.  Dans le secteur autour d’Ammertzwiller les positions étaient extrêmement proches les unes des autres. La distance entre les tranchées était très ténue. Il n’y avait pas non plus ici une localité encore peu endommagée dont les maisons pouvaient offrir un peu de confort au retour des obligations de garde à l’avant poste. Ici rien que ruines et méchants tas d’immondices narguant le soldat de retour de son tour de garde. 
Ici, on se battait à la grenade et au mortier ; ici, on se terrait comme la taupe dans la terre et cherchait abris dans les caves et les souterrains. 
Le 10 mars 1915, les Français tirèrent pour la première fois des mines légères sur la barricade routière au sud d’Ammertzwiller. C’était un anodin début de ce qui devait devenir plus tard les engagements sans merci aux mines près d’Ammertzwiller. Les positions n’avaient de loin pas encore été consolidées dans leur continuité en ce printemps 1915. C’est ainsi que, sous l’autorité du commandant Graf, chef du Ier bataillon, fut entrepris l’ aménagement, sur le flanc droit des positions du Lerchenberg, de l’ouvrage avancé  ‘’Stark’’ (‘’Vorwerk Stark’’), sur le flanc droit de la position au sud d’Ammertzwiller, de la position avancée, à venir,‘’Sautter’’ (Vorwerk ‘’Sautter’’) et sur le flanc gauche de la position de Balschwiller, de la position avancée ‘’Kieser’’ (Vorwerk ‘’Kieser’’). En même temps, on entreprit le creusement d’un boyau de communication entre Bernwiller et Ammertzwiller. Il est encore à noter que sous la barricade routière d’Ammertzwiller se trouvaient deux galeries d’écoute à moitié terminées, creusées par les pionniers de la brigade Marthy, apparemment dans l’objectif de contrecarrer une éventuelle action de sape par l’adversaire. Elles devaient encore plus tard gagner en signification. 
Le 3ème bataillon se creusa un chemin d’accès abrité en provenance de Burnhaupt-le-Bas reliant plus tard un nouveau boyau à la sortie nord-ouest de Bernwiller. 
L’intense activité de consolidation des positions ne resta pas méconnue de l’ennemi. Des tirs d’artillerie légère et lourde perturbaient constamment les travaux et commencèrent aussi à toucher les localités de Burnhaupt-le-Bas, Ammertzwiller, Enschingen et Bernwiller. Le 24 mars, le poste d’observation dans le moulin du bas (Niedermühle) près d’Enschingen était particulièrement pris à parti. Il fut fortement endommagé par des obus de gros calibres. Le sous-officier Geigenmüller en service d’observation réussit à localiser l’observateur d’artillerie ennemi. D’un coup assuré, il l’abattit de son arbre. Les tirs cessèrent. 
Les 27 et 28.3, de fortes chutes de neige inopinées se produisirent, suivies de très près par la fonte et l’établissement d’un temps humide. Les suites furent catastrophiques. La terre glaise des fossés excavés cédait sous l’humidité, ce qui n’était pas étayé avec du bois s’écroulait.  Tout le travail de trois semaines du régiment fut anéanti d’un coup. En plus, le niveau des eaux souterraines commençait à monter. Les fossés se transformaient partiellement en lacs, partiellement en étendue visqueuse de boue et de glue. 

Ldw. F.A.R. 14 (1er régiment d’artillerie de campagne wurtembergeois)

    Le 3 mai 1915, sur demande de notre infanterie, la 4ème batterie reçut la mission de détruire en tir tendu, les maisons de l’écluse 26 du canal du Rhône au Rhin, qui avaient été occupées par un important groupe de tirailleurs. Dans la nuit du 2 au 3 mai, un peloton de la batterie prit position entre les maisons d’Enschingen, et au soir du 3 mai, à la nuit tombante, ouvrit le feu par surprise. Avec 67 tirs bien ajustés, le peloton sous le commandement du lieutenant von Arand, tué malheureusement plus tard en tant que pilote, détruisit les immeubles occupés par l’ennemi. Les Français répliquèrent à cette attaque surprise par un feu nourri, qui endommagea l’affût d’un de nos deux obusiers. 
La 6ème batterie fut engagée dans la nuit du 8 au 9 juillet au niveau de la section sud (abri central Galfingue) et prit position à la sortie nord-ouest d’Enschingen dans un bosquet (cote 38).La batterie l’avait fortement équipée avec soin et efficience très près des positions de notre infanterie, ce qui permettait un flanquement efficace de l’avant poste d’Ammertzwiller devant s’avérer payant lors des futurs nombreux et intenses bombardements ennemis. 
Le soir du 11juillet, eut lieu une attaque du poste avancé français au sud-ouest d’Ammertzwiller par notre infanterie, qui s’avéra ne pas avoir atteint l’objectif espéré, car n’ayant pu être menée à terme du fait d’un feu nourri ennemi de flanc.
Dans l’optique de la préparation d’artillerie à l’assaut de l’artillerie ennemie, en dehors de l’engagement des batteries lourdes pour la préparation, la 2ème, 5ème et 6ème batterie y avaient concouru avec succès. Pour cette raison, le 10 juillet, la 2ème batterie fut fusionnée dans la position 33, au nord de Spechbach-le-Haut et resta à cet emplacement jusqu’à nouvel ordre.
Le 15 août fut un jour animé. Au cours de l’après midi, les Français commencèrent à pilonner à l’artillerie lourde nos positions faisant face au Lerchenberg et au Spechbachgrund, à quoi la 2ème batterie répliqua immédiatement par un feu nourri sur les positions ennemies. Alors que les tirs ennemis allèrent en s’intensifiant et qu’un assaut semblait se préparer, toutes les batteries furent approvisionnées grassement en munitions, le 2ème peloton de la 8ème batterie fut déplacé de son cantonnement vers la position du Kaufholz, toutes les batteries entre Ammertzwiller et Burnhaupt-le-Bas réglées pour repousser un assaut, et toute la défense vérifiée.
Alors que le silence fut revenu à 5 heures, un feu roulant s’abattit sur nos tranchées à 7heures du soir, en même temps l’adversaire mitraillait nos routes et nos abris centraux. Soudain, surgissent au dessus des fumés des premières tranchées, des fusées éclairantes rouges : l’adversaire attaque. 
Nos batteries s’y attendaient ; immédiatement, un tir de barrage du plus intense et bien ajusté répliqua, obligeant l’ennemi qui avait donné l’assaut avec au moins deux bataillons, à rester terré et ne put entamer provisoirement nos lignes que sur une portion de notre tranchée. Lors de leur retrait , les Français emmenèrent malheureusement une jeune recrue volontaire de la 8ème batterie, téléphoniste dans la première tranchée qu’ils avaient investie, mais affichèrent leur courtoisie, quelques jours plus tard, en lançant par dessus la ligne de front un écrit spécifiant que le prisonnier n’était pas blessé et qu’il se portait bien, ce que ce dernier avait confirmé par écrit quelques temps après.
Les 4 et 5 octobre, la 2ème et 6ème batterie ouvrirent des tirs directs de destruction, couronnés de succès, contre les écluses 26 et 27 et un poste d’observation au sud d’Eglingen.
Le 21 octobre, la 2ème batterie exécuta la mission de canonner, à distance rapprochée, en tir direct, le poste avancé de la position ennemie du Lerchenberg face à Ammertzwiller, en concomitance avec nos mortiers. Un emplacement satisfaisant fut trouvé immédiatement derrière notre première ligne à l’est de la ceinture d’Ammertzwiller, deux pièces d’artillerie y furent amenées dans la nuit, avec une extrême prudence, et artistiquement recouverts de branchages, il en résulta que, le 21 octobre, des salves en tir direct, distants de seulement 200 mètres, surprirent totalement l’adversaire. L’effet fut un succès, les tranchées prises sous le feu n’étaient plus que désolation, et le violant contre-feu de la riposte des Français venait trop tard, car les servants des deux pièces d’artillerie avaient eu le temps, leur devoir accompli, de retourner dans les abris.
Le 24 juillet 1916, un coup de main fut entrepris par une patrouille sur le poste avancé de Balschwiller. Y contribuèrent, les 1ère, 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 8ème et 9ème batteries totalisant en tout 3.200 tirs, dont 3 pièces de la 2ème batterie étaient en position de feu à découvert. Le poste avancé de Balschwiller fut totalement détruit et 30 prisonniers furent faits. 
Février 1917 : L’artillerie ennemie s’intensifia graduellement depuis le milieu du mois, le 5 du mois déjà, l’adversaire avait dirigé d’intenses tirs de destruction sur nos positions d’Aspach-le-Bas, près de Pont d’Aspach, en même temps que sur les positions du Lerchenberg et d’Ammertzwiller, avec environ 16.000 tirs d’artillerie et 5.000 mines.


 307ème Compagnie de mortiers (Minenwerfer Kompanie 307)
     Le 17 octobre 1915, une partie de la compagnie, équipée de mortiers lourds et moyens, fut transférée à Ammertzwiller sur des positions existantes, déjà utilisées plus tôt. Le 21 octobre, eut lieu près d’Ammertzwiller une attaque surprise impliquant les mortiers lourds et moyen de la compagnie, détruisant pour partie totalement les dispositifs des Français, et en endommageant lourdement d’autres par ailleurs. 
A plusieurs reprises, des tirs de représailles durent être envoyés depuis la position près d’Ammertzwiller, en réponse aux perturbations des tirs français de mines et d’artillerie.
Le 12 et 13 février 1916, eurent lieu d’intenses tirs de destruction contre la position française de Balschwiller pour lesquels furent utilisés en tout près de 105 mines lourdes, 279 mines moyennes et 1.165 petites.   
Le 24 juillet, la position française de l’entonnoir et la position moyenne près d’Ammertzwiller ainsi que la position avancée de Balschwiller furent arrosées de mines dont 160 grosses, 600 moyennes et 520 légères. Malgré des répliques d’artilleries soutenues sur des observateurs et des emplacements de tirs, le bilan resta positif d’après les renseignements rapportés par nos patrouilles.  Heureusement il n’y avait qu’un officier et un officier de liaison en observation légèrement blessés.
La salle de garde de la position d’un mortier lourd à Ammertzwiller (probablement en février 1917) fut atteinte par un tir d’artillerie, tuant 5 hommes (vice-sergent major Mack, le caporal Regelmann, les pionniers Schaumeier, Bohn, Schmid Karl) et en blessant 4. Des équipes de relais répliquèrent immédiatement par des tirs dont les effets furent positifs, quand au 40ème coup un tuyau éclata blessant l’équipe servante (1 sous-officier et 9 hommes) pour partie et la faisant pour partie suffoquer. Les mortiers des positions restantes ouvrirent également le feu de sorte les positions françaises furent bombardées de 55 coups de mines lourdes et 272 coups de mines moyennes. 


LIR 121 (121ème régiment d’infanterie territoriale – Landwehr Infanterie Regiment 121) 

    L’ambiance était fortement surréaliste devant Ammertzwiller, spécialement à l’endroit de la position de l’entonnoir, ainsi nommée suite à un cratère résultant d’une formidable explosion exécutée du coté allemand l’année précédente, et qui fut par la suite occupée par l’ennemi.  Les tranchées s’y faisaient face à se toucher, nos postes de sapes d’écoute distants de l’ennemi de moins de 10 mètres. Des treillis anti-grenades caractérisaient la position, des moyens de combats rapprochés et des mines de calibre léger jusqu’aux melons de 1 et 2 quintaux formaient les engins de prédilection ; pour les escarmouches légères, nous avons disposé pour la première fois le lance-grenades ‘’Priester’’,qui pouvaient envoyer sur l’ennemi de grosses grenades sphériques, sans bruit, sans sillage de fumée due à la charge de propulsion, et  sans bang de départ, ceci dû à un mécanisme de propulsion mécanique préréglé.

Notre 9ème compagnie sous le commandement du lieutenant Schmid, avait doté la position de l’entonnoir, y inclus sa position fer-de-lance, le poste avancé ’’Sautter’’, de profondes galeries centrales reliées par des couloirs de traverse, de niches de séjour, de différentes entrées, de bouches d’aération et installations de pompage, le nez de ces galerie restant méchamment labouré par d’innombrables tirs de mines. Il y avait lieu ici de garder les yeux ouverts et l’esprit vif, la vie pour un rêveur ne valait pas un pfennig tant il est vrai qu’on peut voir venir les mines et les grenades voler et souvent les éviter, et ils en venaient en sacré nombre. 
Ammertzwiller en tant qu’agglomération, se présentait comme une étendue de terre gluante, supportant des restes de maisons et des détritus, avec des trous humides en guise de logement de rez-de-chaussée et des fossés suintants, plongée dans une atmosphère de désolation, peu réjouissante ni d’un coté ni de l’autre. 
Dans les profondes galeries d’écoute de la position avancée ‘’Sautter’’, étaient installés de très sensibles appareils d’écoute et d’enregistrement, captant les courants souterrains ainsi que leurs variations, reliés à la station d’écoute du poste de commandement de la section, et conduisant au ‘’ mouchard local’’, secret et spécialité du lieu, où des sous-officiers interprètes de la division se tenaient assis, les écouteurs aux oreilles, pour écouter et noter. C’était une cellule étroite, le plancher 5 à 6 mètres sous la surface, les murs et plafond étayés avec madriers humides : un trou de terre mouillé ; à gauche de la porte, la table d’écoute à laquelle étaient assis, sans bruit, l’opérateur, les écouteurs aux oreilles, le crayon à la main, devant lui le bloc-notes. Au dessus de la table, au mur, des fils, des interrupteurs à couteaux, des tableaux de distribution avec des colonnes d’isolateurs, des petites ampoules électriques et d’autres appareillages d’installation électrique, un dispositif complexe et mystérieux pour le laïque.
Le Français semble avoir eu vent de notre installation, car la plus part du temps il parlait au téléphone de choses futiles. Afin de ne pas perturber le ‘’mouchard local’’, notre section n’était la plus part du temps pas autorisée à rester dans notre propre station d’écoute, et lors des heures autorisées, les ordres étaient de prêter la plus grande des prudences à chaque syllabe et d’utiliser des mots convenus dont la pratique nous donnait une impression de ridicule. Car le bruit courrait que l’ennemi était en possession d’un appareillage d’écoute encore bien plus sensible. 
Lors de tirs adverses particulièrement destructeurs, quelques galeries de l’ouvrage avancé ’’Sautter’’ furent endommagées par des tirs de mines à ailettes, alors même qu’elles étaient enfouies sous six mètres de terre. 
L’église en ruine d’Ammertzwiller, atteinte de plein fouet par un tir, dressait encore ses murs squelettiques qui se lézardaient à tel point que le lieutenant Schmid les abattit à l’explosif un soir, afin d’éviter tout danger d’effondrement.

L.I.R. 126  
    L’hiver 1916-1917 s’était manifesté jusqu’à présent sous ses jours les plus favorables. Au cours du dernier tiers de janvier, s’établit un gel féroce et mordant qui rendit extrêmement difficile les conditions de conduite de la guerre. Le canal, plus tard également la Largue, gelèrent totalement en une couche de glace praticable.  Cette situation nécessitait une attention de chaque instant pour nos positions et patrouilles.
Le 5 février 1917 au matin, un tir de barrage français d’obus de petits et moyens calibres s’abattit sur Ammertzwiller à 10 heures, à partir de 12h30, les gros calibres se mirent de la partie. Le bombardement fit ses victimes dans le village ; la situation devenait également extrêmement inconfortable à l’état-major du régiment. Á présent, les mines se concentraient en pluie sur l’ouvrage avancé au sud-ouest d’Ammertzwiller. Á partir de 4 heures de l’après-midi, depuis la position avancée mentionnée jusqu’aux sections des positions attenantes, l’ennemi arrosa de grenades et de mines la première ligne et encore d’avantage la deuxième. Les tirs s’intensifièrent en un feu roulant qui s’arrêta graduellement seulement vers 11 heures.  
Une patrouille française forte d’environ 6 hommes, apparut une fois dans l’obscurité devant notre front. Elle fut prise sous le feu aussitôt qu’elle put être identifiée et disparut au plus vite. A l’endroit où elle était apparue, l’artillerie française avait auparavant cessé ses tirs. 
À partir d’environ 11heures, la nuit suivante s’écoula dans le calme. Des patrouilles envoyées par nos lignes n’avaient constaté aucun bruit particulier, et spécifiquement rien de singulier, tout montrait son visage ordinaire. À 5 heures du matin, un feu nourri mais bref éclata, puis la paix revint. Les Français avaient tirés en tout, environ 11.000 grenades et 1.700 mines.
La journée nous avait couté 5 morts, en blessés, 1 officier, 1 sous-officier et 17 hommes. La position, en particulier la deuxième ligne, avait fortement souffert, mais les souterrains avaient bien résistés. L’ouvrage avancé au sud-ouest d’Ammertzwiller était très endommagé. Le froid qui s’était établi durant tout le moi de février rendait pénible les travaux de remise en état des abords des tranchées détruites et des barrières de barbelés, aussi essuyaient-elles souvent le feu ennemi de tirs de fusils, de pièces d’artillerie, de MG (mitrailleuses) et de lance-grenades.

13ème bataillon de Pionniers (Pionier Bataillon 13)
      Le 5.2.1917 les Français arrosèrent l’ouvrage avancé Sauter d’un un feu plus nourri. Un commando d’écoute formé d’un sous-officier et 3 pionniers, qui avait auparavant été ensevelis dans la galerie de mine Pluto, après avoir été dégagé, ne quitta son poste, que lorsque l’ordre d’évacuation de l’ouvrage fut donné. 
Dans la nuit du 18 au 19 octobre 1915, les aspirants Sobbe et Stadelbauer firent sauter un poste d’observation français près d’Enschingen. 
Aux environs de fin novembre1915, des bombardements à répétitions de l’ouvrage avancé Sautter, ainsi qu’un temps pluvieux ininterrompu, exigeaient d’incessantes remises en état des installations de cette position. Un souterrain enfoui 6 mètres sous terre, fut traversé par une mine de gros calibre. Cependant les sapes minées près d’Ammertzwiller résistèrent au tir roulant d’artillerie française. Seuls quatre pionniers furent blessés grâce à des conditions favorables, lors d’un bombardement de notre position en face de Balschwiller, le 4 janvier 1916.


15ème régiment d’infanterie de campagne K.B.  
(K.B. Landwehr Infanterie Regiment Nr.15)
……… faisait aussi partie de la position, l’agglomération d’Ammertzwiller atrocement bombardée, avec certitude le sommet de tout ce qui avait pu être observé jusqu’à présent dans le domaine de la dévastation par les affrontements précédents. 
Le dénommé ‘’ouvrage avancé des dragons’’ constituait une position de tous les dangers, opérant une saillie en avant de la ligne générale des positions du régiment, en face de la ‘’position avancée’’ adverse de Balschwiller. L’objectif de prédilection de l’artillerie ennemie était, à coté de celui des lignes établies et des boyaux de communications (par ex. le ‘’Hengergraben’’), les abris des états-majors de commandement et des réserves sis à Bernwiller et Spechbach-le-Haut. 
Le 3 novembre 1917, l’artillerie ennemie ouvrit le feu à partir de ses positions du Holzberg, du Fuchsberg, de la forêt de Gildwiller, de Buethwiller et Hagenbach, un grand concert d’orgue en plénum, comme jamais le régiment n’avait vécu. Le bombardement continua, avec quelques interruptions, au cours des jours qui suivirent, jusqu’au 7 novembre 1917. C’étaient des journées pénibles au cours desquelles toutes les forces du régiment furent engagées. Un feu de destruction s’abattit sur les unités de combat par l’utilisation de calibres légers, moyens et lourds, soutenus par 10 mortiers.
Le 31 août 1918, des Américains qui avaient opéré une intrusion au niveau de la ‘’position avancée Kieser’’, soutenus d’une façon encore plus importante par de l’artillerie et des mortiers, furent repoussés et subirent d’importantes pertes, laissant 14 morts sur le champ de bataille, et un prisonnier.
En raison d’une occupation plus clairsemée des 1èré et 2ème lignes (mi-octobre 1918), un peloton d’Américain put un jour pénétrer, sans être repéré, dans la position où justement avait été supprimée la relève du poste de garde. 
L’ennemi, qui s’était établi à l’endroit du poste des sous-officiers, eu l’occasion aux premières lueurs du jour, de se saisir d’un sous-officier venant en relève, ainsi que d’un homme d’une patrouille de repérage de la section d’écoute, mais perdit également de son coté, un homme fait prisonnier, suite à une rescousse instantanée. Nos propres patrouilles visitaient à peu près chaque nuit la position ennemie. Elles se faufilaient spécialement en direction des positions avancées et médianes de Balschwiller, vers le Lerchenberg et le Holzberg, conduisant également à des accrochages et à de durs corps à corps avec pertes. 
C’est ainsi que, le 16 février 1918, put être localisé le 75ème régiment d’infanterie français (27ème division d’infanterie), le 30 avril, cinq prisonniers furent ramenés, le 13 juin, un prisonnier dévoilait la présence de noirs français (35ème bataillon de Sénégalais). Le premier Américain (114ème régiment) fut fait prisonnier le 31 août. Lors d’une entreprise sur Balschwiller, le 12 octobre, avaient également pu être localisée la présence d’Américains (360ème régiment) et de Français 65ème chasseur).

16ème bataillon d’assaut  (Sturm Bataillon 16)
    Une section d’assaut de la compagnie wurtembergeoise d’assaut du 16ème bataillon, reçu l’ordre d’envoyer une patrouille dans les positions françaises au nord d’Ammertzwiller, au niveau de la route Ammertzwiller - Burnhaupt-le-Haut, et de pénétrer dans leurs lignes pour y faire des prisonniers. Le commando, constitué d’un vice-sergent major, deux sous-officiers et 15 hommes fut cherché par voiture et acheminé à Bernwiller où il fut pris en charge et hébergé par le 121ème L.I.R.
Déjà le jour suivant, au matin du 20 janvier 1917, la nouvelle arriva au collège épiscopal de Zillisheim, que le commando avait rempli sa mission en revenant dans les lignes allemandes avec un prisonnier.
La patrouille s’était engagée vers 4 heures du matin sans la moindre préparation d’artillerie, revêtue de manteaux blancs pour se dissimuler aux yeux de l’adversaire, puisque tout le paysage était recouvert d’une épaisse couche de neige. Un souterrain facilement reconnaissable par ses agrès de téléphonie adossés au conduit de fumée, attira particulièrement l’attention du commando qui un peu plus loin, tomba sur un double poste. Au cours de l’affrontement qui s’y développa, le sous-officier Lappe et le deuxième classe Walter furent blessés, de même que le Français qui avait été ramené prisonnier. 
Le sous-officier Lappe fit part de ses impressions concernant ce coup de main dans un courrier qu’il avait rédigé dans l’hôpital de campagne de Lutterbach. 
« Nous fûmes amenés par voiture dans la position et hébergés dans une hutte délaissée, dans laquelle le lieutenant Bömig nous fit un topo à l’aide d’une esquisse, sur les positions approximatives des tranchées ennemies. 
À la nuit, nous rejoignîmes la position du 121ème régiment d’où nous avançâmes, recouverts de manteau de neige vers la zone de front pour nous rapprocher des rangées de barbelés ennemies. Après plus de deux heures d’un travail inlassable, nous réussîmes, tantôt sur le dos, tantôt sur le ventre, à pratiquer un couloir dans l’épaisse masse de barbelés. Tout le paysage était recouvert de neige. Nous observions déjà au cours de notre action de cisaillement l’activité de l’ennemi et découvrîmes qu’immédiatement près de notre couloir devait se trouver un double poste ennemi. Car on entendait de temps en temps parler. 
Après nous être sortis de notre couloir de barbelés, nous nous glissâmes furtivement, à distance raisonnable, rampant sur le ventre vers l’accès de la tranchée pour nous y couler sans bruit à l’intérieur. Il n’y avait tout d’abord pas trace d'une sentinelle. Nous discernâmes cependant un souterrain qui paraissait avoir deux entrées. Je répartis immédiatement mes hommes et nous mis en position d’attaque. Nous eûmes à faire à un double poste de sentinelles que j’exhortais à se rendre.  Malheureusement l’une se défendit et fut gravement blessée et l’autre soldat français fut apparemment tué. Je fus blessé au corps et à la main par des éclats de grenade.
La garnison française du souterrain qui était sortie au début de l’engagement fut accueillie par des grenades à main lancées par une autre partie de mes hommes et paraissait avoir subie de sérieuses pertes. Le retrait général avec le prisonnier fut un succès, même si notre patrouille avait été prise sous un feu nourri de l’infanterie ennemie. 
Le 12 octobre 1918, un autre coup de main semblable fut exécuté avec succès sous le commandement du lieutenant Hagenmeyer près de Balschwiller. Pour la première fois, furent faits prisonniers des Américains, dont deux officiers et huit hommes du 360ème régiment d’infanterie, et du reste cinq Français du 65ème régiment de chasseurs.